L’Autriche et la Suisse ne sont pas membres de l’OTAN. Pourquoi pas l’Ukraine ?

Arrêt sur info — 16 janvier 2022

 


Par Finian Cunningham

Paru le 15 janvier 2022 sur Strategic culture.


Les responsables américains et de l’OTAN soutiennent que la Russie n’a aucun droit d’exiger que l’Ukraine soit exclue de l’alliance militaire. Une telle demande, disent-ils, est vouée à l’échec. La Russie de son côté insiste sur le fait qu’il est « absolument impératif » que l’Ukraine, et d’autres anciennes républiques soviétiques comme la Géorgie, ne soient pas admises au sein de l’OTAN. Moscou veut obtenir un traité juridique stipulant cette exclusion. Une simple vérification de la réalité nous rappelle que Moscou a des précédents en faveur de son argument.

Les pourparlers entre les responsables américains de l’OTAN et russes se déroulent cette semaine [14 – 16 janvier, Ndt] à Genève et à Vienne, dans les villes de deux pays européens qui sont neutres vis-à-vis de toute alliance militaire, la Suisse et l’Autriche. Ce statut de non-alignement est inscrit dans les constitutions suisse et autrichienne. Cette neutralité découle aussi en partie d’un consensus international fondé sur la position géopolitique sensible des deux pays au lendemain des guerres en Europe. Il n’est donc pas sans précédent que la Russie demande une garantie juridique; à savoir que l’Ukraine, la Géorgie ou d’autres États voisins restent en dehors du bloc militaire de l’OTAN.

Toutefois, la façon dont les responsables américains et de l’OTAN présentent les choses tend à faire croire que les demandes de la Russie sont un ultimatum scandaleux qui violerait la souveraineté et la liberté.

Wendy Sherman, la secrétaire d’État adjointe américaine qui a rencontré son homologue russe Sergei Ryabkov à Genève lundi [14 janvier, Ndt], a déclaré que les exigences de Moscou étaient « vouées à l’échec ». Mme Sherman a déclaré aux journalistes à l’issue de sa réunion de sept heures avec M. Ryabkov.

« Nous ne permettrons à personne de claquer la porte ouverte de l’OTAN, qui a toujours été au cœur de l’alliance. Nous ne renoncerons pas à la coopération bilatérale avec les États souverains qui souhaitent travailler avec les États-Unis« .

Des déclarations similaires ont été faites par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, qui a revendiqué la prérogative pour l’alliance d’inclure n’importe quel pays dans ses rangs, comptant désormais 30 membres. Plus de la moitié de ces membres ont été ajoutés depuis la fin de la guerre froide.

Une telle vision hautaine est désespérément naïve ou historiquement ignorante. Les responsables américains et ouest-européens se trompent peut-être en prétendant que l’OTAN a un but « pacifique ». Ils semblent ignorer comment l’alliance a été créée en 1949 en tant qu’adversaire militaire de l’Union soviétique et pour la projection de la puissance impériale américaine.

Depuis la prétendue fin de la guerre froide en 1991, le bilan belliciste de l’OTAN est un bilan sanglant de destruction de nations. Le fait que les responsables de l’OTAN professent des références pacifiques au lendemain de la destruction de l’Afghanistan, qui a duré 20 ans, est un exemple choquant de leur dissonance cognitive.

L’Ukraine est un exemple classique de la raison pour laquelle l’expansion de l’OTAN doit être stoppée. Un changement de régime à Kiev en 2014 a porté au pouvoir un régime néonazi dont la haine pour la Russie ne connaît aucune limite. Permettre à un tel régime d’adhérer à l’OTAN équivaut à permettre qu’un poignard soit pointé sur la gorge de la Russie.

Comment Moscou pourrait-il croire à des déclarations pacifiques alors que Washington et l’OTAN ont fourni au régime de Kiev plus de 2,5 milliards de dollars en armes meurtrières au cours des huit dernières années ? L’administration Biden prévoit d’augmenter le soutien militaire dans ce pays aux portes de la Russie, incitant encore davantage les forces armées ukrainiennes la guerre civile.

Les événements tumultueux au Kazakhstan montrent également comment un changement de régime peut être fomenté par des forces extérieures dans un pays qui partage une frontière avec la Russie. La tentative de déstabilisation du Kazakhstan semble avoir échoué à cette occasion. Mais qui peut dire qu’un résultat très différent ne pourrait pas se produire à l’avenir, comme dans le cas de l’Ukraine où un régime russophobe enragé a été installé avec l’aide de la CIA en 2014 ?

La Russie a raison d’insister sur une zone neutre excluant à des pays sur sa frontière l’adhésion à l’OTAN. Il ne s’agit pas pour la Russie de piétiner la souveraineté des autres ou d’instaurer une « sphère d’influence ». Il s’agit de respecter ses intérêts vitaux en matière de sécurité. Le statut de pays non membres de l’OTAN de l’Autriche et de la Suisse sont des précédents importants et évidents.

Il est plutôt déconcertant que les responsables américains et de l’OTAN soient devenus si arrogants dans leurs présomptions. Leur manque de conscience historique et de reconnaissance des préoccupations légitimes de la Russie est également profondément troublant.

Le cynisme dont font preuve les soi-disant grands diplomates américains est à couper le souffle. Le secrétaire d’État Antony Blinken, et son adjointe Wendy Sherman, ont laissé entendre que Moscou ne prend pas la diplomatie au sérieux. Ils affirment que la Russie souhaite l’échec des pourparlers afin de pouvoir mettre en œuvre un prétendu plan d’invasion de l’Ukraine. Et ce, malgré les assurances répétées de Moscou qu’elle n’a pas l’intention d’attaquer qui que ce soit ou que les troupes sur son sol ne sont pas un sujet.

Il est pratiquement impossible de dialoguer avec un tel raisonnement tordu de la part des responsables américains et de l’OTAN. La diplomatie américaine, semble-t-il, est finalement morte, ayant succombé à l’arrogance, au cynisme et à une russophobie irrationnelle, ainsi qu’à la négation pure et simple de la réalité fondamentale.

Moscou insiste sur le fait que sa demande d’arrêt de l’expansionnisme de l’OTAN est inviolable. Washington persiste à rejeter sa demande. Le fossé diplomatique est en train de devenir un abîme dangereux.

Finian Cunningham

Source: Strategic culture

(Traduction Olinda/Arrêt sur info)

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