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Science décalée : Ata, le mystérieux humain à la tête d’extraterrestre
Par Janlou Chaput, Futura-Sciences


Un crâne allongé surmonté d’une crête : cet humanoïde a tout de l’extraterrestre de science-fiction. Pourtant, une analyse vient de montrer que ce squelette, haut de seulement 15 cm, est bien celui d’un être humain. Nommé Ata, il pourrait même être mort à l’âge de 8 ans…
Un fœtus momifié ? Un primate miniature ? Un enfant difforme ? Ou pire, unextraterrestre ? Les rumeurs vont bon train autour de l’étrange squelette d’Ata, haut de 15 cm et doté de caractères jusqu’alors jamais vus. Les analyses sont encore en cours, mais une partie du mystère semble résolu : il s’agit bien d’un être humain, et même d’un de nos contemporains…
Le contexte : Ata, vedette d’un film sur les extraterrestres
Désert d’Atacama, au Chili, il y a une dizaine d’années. Lors de fouilles dans un village abandonné, une expédition ramène dans ses bagages un squelette pour le moins atypique. Haut de 15 cm, son crâne est anormalement allongé, et une paire de côtes est absente. Le spécimen est récupéré par un collectionneur privé qui le garde à Barcelone. Sa trace est retrouvée par les producteurs d’un documentaire intitulé Sirius, qui vient d’être diffusé aux États-Unis, le 22 avril dernier. Le fossile y est présenté comme l’une des preuves plausibles de l’existence d’extraterrestres. Est-ce un être venu d’ailleurs ?
Un front anormalement long pour un crâne humain ? Pourtant, Ata est bien un membre de notre espèce, avec d’étranges difformités, et n'a rien d’un extraterrestre.
Un front anormalement long pour un crâne humain ? Pourtant, Ata est bien un membre de notre espèce, avec d’étranges difformités, et n'a rien d’un extraterrestre. © Cipiripilala, YouTube
Garry Nolan, chercheur à l’université Stanford (Californie, États-Unis), a entendu parler de ce squelette nommé Ata, et est entré en contact avec les réalisateurs afin de pouvoir examiner le spécimen de plus près. Rattrapé par le buzz que le lilliputien a déclenché dans les médias américains, le scientifique a fait part des résultats préliminaires de ses expériences, mais promet de publier le tout une fois qu’il aura tous les éléments sous la main. Car aujourd’hui encore, un mystère épais plane autour de ce squelette. Mais Garry Nolan a déjà élucidé une partie du problème…
L’étude : un être humain mort voilà quelques décennies
Intrigué, l’homme a apporté Ata à son collègue Ralph Lachman, connu et reconnu pour ses compétences dans les troubles squelettiques chez les enfants. Bien qu’habitué à voir des difformités, le spécialiste avoue n’avoir jamais été confronté à un tel cas de figure. Des tests ADN sont alors pratiqués. Dans sa première intuition, Garry Nolan pense qu’Ata doit être mort il y a des dizaines de milliers d’années. Il confie des échantillons à des paléoanthropologues afin de déterminer sa place dans l’arbre humain.
Il n’y a pas de doute : son génome est « moderne, abondant et de haute qualité », confie Garry Nolan dans Science Now. Autrement dit, c’est un être humain comme nous, mort au plus tard voilà quelques décennies. Son ADN mitochondrial, reçu de sa mère, est d’haplotype B2, caractéristique de la côte ouest de l’Amérique du Sud. Tout est cohérent.
Les analyses génétiques révèlent en fait 9 % d’anomalies, des fragments qui ne concordent pas avec l’ADN humain de référence. Mais plusieurs facteurs, comme la dégradation ou des petits défauts dans la préparation, peuvent en être à l’origine.
Causes des difformités : anomalies génétiques ou produit toxique ?
Ata passe sous les rayons X pour une analyse minutieuse de son squelette. Au niveau des plaques épiphysaires des genoux (une partie cartilagineuse), l’usure constatée suggère que l’individu est mort à un âge compris entre 6 et 8 ans. Pour Garry Nolan, trois possibilités s’ouvrent à lui. Ata était peut-être affecté par une forme de nanisme très particulière, auquel cas il serait né et resté minuscule tout au long de sa courte existence. Sinon, il aurait pu être atteint d’une forme très agressive de maladie qui accélère le vieillissement, comme la progéria. Dans ce cas, le fœtus de 22 semaines environ serait mort in utero, avec des signes retrouvés normalement à un âge plus avancé. Des examens sont en cours pour vérifier ces hypothèses.
Ces clichés montrent le squelette d'Ata sous plusieurs coutures. De quel mal a-t-il souffert ?
Ces clichés montrent le squelette d'Ata sous plusieurs coutures. De quel mal a-t-il souffert ? © Garry Nolan
Enfin, la piste des substances tératogènes, à l’origine de malformations congénitales, est aussi explorée. Les tissus vont être passés auspectromètre de masse afin de retrouver d’éventuelles traces de produits toxiques ou de leurs métabolites.
Garry Nolan penche plutôt pour la cause génétique, car d’autres squelettes de lilliputiens retrouvés à travers le monde semblent aller en ce sens. Mais à ce stade de l’enquête, il n’a encore rien trouvé qui puisse l’attester.
L’œil extérieur : le canular du XXIe siècle ?
Cependant, cette conclusion ne convient pas à tous les scientifiques. Pour William Jungers, cité dans Science Now, il s’agit plutôt d’un fœtus ou d’unenfant né prématurément qui aurait été mal embaumé. L’immaturité des os de ses mains et de ses pieds suggère un âge bien moins avancé que ce que mettent en évidence les tests de Garry Nolan. De plus, le crâne n’est pas soudé, comme c’est normalement le cas chez les enfants de 6 ans. Voilà pourquoi les analyses génétiques ne révéleraient rien…
Reste à expliquer l’usure anormale des plaques épiphysaires des genoux. Le casse-tête semble presque insoluble, et Garry Nolan approfondit ses recherches et promet la publication d’un article une fois tous les éléments en sa possession. Il faudra donc encore attendre pour en savoir plus.
Certains parlent déjà de canular, comme la science en a déjà connu avec l’Homme de Piltdown par exemple. Mais pour le chercheur californien, c’est impossible. L’analyse aux rayons X montre bien que le squelette est un vrai.« C’est impossible à falsifier. Sauf par des extraterrestres », déclare le scientifique avec humour. Mais si ce n'est pas une supercherie, qu'est-ce donc alors ?

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