NORMAN G. FINKELSTEIN: PUNI POUR AVOIR DIT LA VÉRITÉ

Lobbying et conséquences - Jeudi 21 Février 2008
New York Magazine Janvier 2008 Trad. Grégoire Seither
 
A 54 ans, Norman Finkelstein se retrouve dans la même situation qu’à ses débuts. L’été dernier, cet universitaire de gauche a été renvoyé de son poste de professeur assistant à l’université DePaul. Finkelstein est devenu célèbre en 2000 avec son ouvrage “The Holocaust Industry” dans lequel il critique en termes peu amènes les dirigeants de la communauté juive aux États-Unis. Selon Finkelstein un certain nombre parmi eux n’est rien d’autre qu’une “bande répugnante de ploutocrates, de gangsters et de profiteurs” dont le principal objectif n’est pas le bien de la communauté ou la lutte contre l’antisémitisme mais simplement l’extorsion de réparations et de compensations des gouvernements et entreprises européennes. 

Aujourd’hui Finkelstein se retrouve sans le sou, retiré dans le petit appartement qu’il a hérité de son père, sur Ocean Parkway. “C’est comme le fait de mourir,” dit Finkelstein. “Vous ne cessez de vous dire qu’un jour vous allez mourir, mais vous ne réalisez jamais la réalité de ce fait. Aujourd’hui je réalise que je n’aurais probablement jamais d’autre emploi comme enseignant et je n’ai pas encore vraiment réalisé ce fait.”

Il passe ses journées à lire et à poursuivre ses recherches en solitaire; ses étagères ploient sous le poids des livres de Marx, Lénine ou Trotski. Son piano est décoré de cartes postales de soutien envoyées par ses étudiants mais aussi une photo de lui et de Noam Chomsky (”mon plus proche ami”) torse nus, sur la plage de Cape Cod.

Dans sa jeunesse, Finkelstein était un révolutionnaire d’obédience maoïste. Il reconnait lui-même que sa carrière académique a été handicapée dès le départ à cause de ses orientations politiques. Il a mis 13 ans à obtenir son doctorat à Princeton, étant donné qu’aucun professeur ne voulait se charger de diriger sa thèse, une analyse (déjà) des fondements du Sionisme. Quand il a enfin réussi à soutenir sa thèse et obtenir son doctorat, aucun de ses professeurs n’a voulu le recommander pour un poste de maitre-assistant. Il a donc passé plusieurs années comme chargé de cours précaire, dans plusieurs universités - Brooklyn College, Hunter, et New York University, gagnant rarement plus de 20 000 US$ par an.

Quand il a été embauché à l’université DePaul, il y a six ans, sa situation s’est améliorée. Mais le succès de son ouvrage “The Holocaust Industry”, devenu un best seller en Allemagne et traduit dans plus de 20 langues, l’a fait connaître et a mobilisé les critiques contre lui. A Harvard, Alan Dershowitz a mené une campagne féroce et violente contre lui, compilant un dossier visant à démontrer les “cas les plus clairs et les plus choquants de la malhonnêteté de Finkelstein”.

Malgré cela, son département et son université proposèrent de le titulariser. Mais la commission des promotions et titularisations de l’université vota à 4 contre 3 le non renouvellement de son contrat. Le président de DePaul aurait pu faire basculer le vote avec sa voix mais refusa de le faire.

Le coup fut dur pour Finkelstein, qui a perdu presque dix kilos depuis l’été. “Les gens m’ont vu dépérir,” dit-il. Sur le campus, les étudiants se mobilisèrent, un groupe d’étudiants organisa une grève de la faim; Chomsky et d’autres vinrent à sa rescousse. L’un de ses collègues lui offrit un CD avec une compilation de morceaux comme “I Will Survive” (je survivrais) et “What’s Goin’ On?” (qu’est ce qui se passe ?).
J’adore depuis longtemps les Negro spirituals,” explique Finkelstein. “A la fin j’avais toujours cette chanson dans la tête, ‘Etais-tu là, quand ils ont crucifié le Seigneur ? Etais-tu là ?’ C’est comme cela que je me sentais. A la fin les attaques contre moi étaient tellement violentes et basses, que j’étais comme crucifié.” Fils de survivants du Ghetto de Varsovie et des camps de la mort nazis, Finkelstein à grandi dans le quartier de Borough Park puis à Mill Basin, ou il fréquentait, à quelques années de différence, la même école que Chuck Schumer. Il a grandi dans un milieu athée, ses parents ayant perdu la foi après la guerre.
Le quartier où il habite et son immeuble sont à forte composante juive. Un ami du père de Finkelstein l’aborda un jour dans le halle et l’implora de se calmer : “Il m’a dit, ‘Norman, tu ne rajeunis pas et toutes les maisons de vieillard sont dirigées par des juifs. Si tu ne te calmes pas, un jour tu n’auras plus nulle part où aller’.”
http://libertesinternets.wordpress.com/ http://libertesinternets.wordpress.com/ 

NdB : J'ai énormément aimé son livre paru en 2001 et je suis triste de découvrir comment on a pù détruire la vérité portée par ce politologue émérite, grand ami de Noam Chomsky (dont j'aime beaucoup les prises de position). D'où mon besoin, tardif, de faire suivre cet article :

La solution américaine en Palestine selon Norman Finkelstein 
 (source Médiapart 27 janvier 2014)

Norman Finkelstein (américain et fils de juifs survivants du ghetto de Varsovie), suit depuis longtemps le drame de la Palestine.
Il livre son analyse des pourparlers en cours entre les Etats-Unis et Israël d'une part, et les dirigeants palestiniens d'autre part (dirigeants palestiniens qui ne sont pas des dirigeants au sens démocratique du terme, mais ceux que les occidentaux laissent parler au nom des Palestiniens) .
Ce qui suit est donc une série d'hypothèses faites par Norman Finkelstein à partir de ce qu'il observe et de ce qu'il sait des différents acteurs et de la situation extrêmement déséquilibrée.

Les principaux points de seront, selon Finkelstein, d'abord actés par un accord-cadre probablement signé "dans les six derniers mois du mandat du Président Obama". Ensuite, pour appliquer cet accord, il faudra sans doute des tractations entre les partis en Israël, pour former une nouvelle coalition israélienne, et mettre en place un un gouvernement israélien d’unité nationale.
Les États-Unis et l’Union Européenne auront d'après Finkelstein, "trois ans pour adoucir les Palestiniens, serrant bien fort les vis économiques, mais pas au point de provoquer l’effondrement de tout l’édifice".

Les principaux points de l'accord que vont imposer les Etats-Unis comprennent la reconnaissance du Mur* construit par Israël comme frontière entre Israël et l'état palestinien et l'impossibilité du retour des réfugiés palestiniens (qui sont dans des camps dans les états voisins : Liban, Jordanie, Syrie etc..).

EXTRAITS DE L'INTERVIEW DE FINKELSTEIN regroupés par thèmes :

- L’annexion des blocs de colonies est désormais une affaire conclue.
L’accord-cadre ne parlera probablement que d’échanges de territoires en termes de pourcentages, et insinuera simplement – tout comme les Paramètres Clinton – l’annexion par Israël des grands blocs de colonies sans divulguer les détails précis. Mais il est frappant de constater que dans l’ensemble des discussions au cours des dernières semaines, Ma’ale Adumim – c’est-à-dire le plus grand bloc de colonies qui divise effectivement la Cisjordanie en deux – n’a même pas été évoqué. Parce que cela a déjà été résolu, en faveur d’Israël.

Il n’y a pas de raison évidente qui empêche la conclusion d’un accord par lequel une nouvelle frontière est dessinée entre Israël et les Territoires palestiniens, surtout si un tel accord est ratifié par le Conseil de sécurité des Nations Unies, ce qui sera presque certainement le cas. Israël a les moyens et la volonté d’imposer cette nouvelle frontière. En effet, elle est déjà un fait, sauf sur le plan juridique. Un règlement politique couronnerait les faits déjà existants sur le terrain du joyau de la légalité. Il s’agit d’une étape importante, à savoir la transformation d’un Mur illégal en une frontière permanente internationalement reconnue ; et ce n’est pas hors de la portée d’Israël. A partir de là, quelles revendications pourront avoir les Palestiniens au-delà de cette frontière ? Aucune.
Cela transformerait ce qui constitue actuellement des colonies juives illégales en des villes israéliennes ordinaires ; Israël pourrait légalement confisquer des terres palestiniennes et expulser les Palestiniens de leurs maisons.

Au moment où le Mur est rebaptisé « frontière », les colonies derrière elle deviennent un problème clos. Elles sont le territoire souverain d’Israël. Et bien sûr, la plus grande partie du monde sera heureuse d’être débarrassée du conflit israélo-palestinien. Ils seront heureux lorsque l’accord sera signé. Que ferez-vous alors ? Un boycott du monde par l’Association des études américaines ?

Les sondages de l’opinion publique israélienne montrent que la majorité des Israéliens seraient favorable à la proposition probable de Kerry. La ville d’Hébron devra être évacuée. Bien sûr, il y aura l’angoisse israélienne habituelle, mais elle ne sera pas difficile à calmer. L’armée israélienne peut tout simplement se retirer et dire aux quatre cents colons juifs fanatiques, « Vous voulez rester ? Vous pouvez rester – tous seuls, au milieu des 150 000 musulmans d’Hébron. »

- Sur la question de l’ « Etat juif », l’accord sera probablement conclu sur la formule : Israël comme l’Etat du peuple Juif et de ses citoyens, la Palestine comme l’Etat du peuple Palestinien et de ses citoyens. Il offrira une protection (juridique) aux citoyens Palestiniens d’Israël, mais niera le droit au retour des réfugiés Palestiniens, la question qui importe véritablement pour Israël.

Je pense que les menaces émanant actuellement de l’Europe sont coordonnées avec Kerry, afin de transmettre l’idée, non pas tant au gouvernement israélien (malgré toute sa frénésie, Netanyahu est partant), mais aux Israéliens récalcitrants, que le projet de colonisation en dehors du Mur n’a aucune perspective d’avenir.

Liberman veut être le prochain premier ministre israélien Et il va donc accepter l’accord de Kerry. Il a déjà manifesté son assentiment, et même son enthousiasme, la semaine passée. Il a également marmonné des propos évoquant le transfert des citoyens Palestiniens d’Israël vers un nouvel Etat Palestinien, mais ils n’auront aucune suite. Cela violerait les normes fondamentales du droit international en établissant le droit des États établis à redessiner les frontières intérieures afin de dénationaliser des minorités indésirables. Personne ne va accepter ça.


L'interview intégrale de Norman Finkelstein est ici :
http://algerienetwork.com/international/la-fin-de-la-palestine-interview-de-norman-finkelstein-par-jamie-stern-weiner/
L'interview originale en anglais sur le blog de Norman Finkelstein :
http://normanfinkelstein.com/2014/the-end-of-palestine-an-interview-with-norman-g-finkelstein/

Différentes cartes de la Cisjordanie ici indiquent la position du Mur en 2010 et la position de la ligne verte (on emploie communément le terme ligne verte pour parler des frontières de 1967:
http://rubinenc67.blogspot.fr/2010/07/palestine-par-les-cartes-v.html

Wikipedia emploie pour ce Mur l'appellation israélienne euphémisante de "barrière":
Long de 730 km, le parcours suivi par la barrière est complexe. La barrière suit la ligne verte, mais pénètre profondément à l'intérieur de la Cisjordanie10 pour intégrer des colonies juives11.
20 % du tracé est précisément sur la ligne verte12. Le reste empiète dans le territoire cisjordanien13,14 pour englober la majeure partie des colonies israéliennes ainsi qu'une partie des puits les plus importants de la région15. Elle s'écarte à certains endroits de plus de 23 kilomètres de la ligne verte. Son tracé sinueux explique cette longueur beaucoup plus importante que celle de la ligne verte, celle-ci faisant environ 320 km.
Des sections de la barrière sont construites sur des terres confisquées à des Palestiniens. Dans un compte rendu récent, l'ONU a précisé que le tracé le plus récent de la barrière prévoit davantage de segments construits sur la ligne verte elle-même en comparaison aux précédentes ébauches de tracé16

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