PAR IVAN DU ROY (31 OCTOBRE 2007)
Ils suscitent de nombreux fantasmes. « Ils », ce sont ces clubs privés, ces forums de Davos miniatures mais confidentiels au nom énigmatique : « commission Trilatérale » ou « groupe Bilderberg ». Un livre, Rencontres au sommet, tente de nous faire pénétrer dans leurs salons feutrés.
Cet article a été initialement publié dans l’hebdomadaire Témoignage Chrétien
Ils suscitent de nombreux fantasmes. Les plus paranoïaques y voient la preuve irréfutable d’une conspiration mondiale fomentée par un gouvernement de l’ombre. « Ils », ce sont ces clubs privés, ces forums de Davos miniatures mais confidentiels, qui réunissent banquiers, PDG, responsables d’institutions internationales, sherpas de chefs d’Etat, ministres ou experts. Les plus cotés d’entre eux, la « commission Trilatérale » et le « groupe Bilderberg », organisent des week-ends annuels de rencontre, en toute discrétion. Champagne, jets privés, paillettes (de quelques têtes couronnées) et people (de la finance internationale) sont au rendez-vous. Mais de paparazzi, point. En comparaison, les soirées VIP des Bains font office de vulgaire amusement pour petits parvenus. Imaginez-vous installé dans la chambre voisine de la suite occupée par la reine Béatrix des Pays-Bas, siroter un armagnac trente ans d’âge accoudé au bar avec Jean-Claude Trichet, gouverneur de la banque centrale européenne, Michel Bon, ancien PDG de France Télécom, et l’Irlandais Peter Sutherland - PDG de BP (British Petroleum, troisième compagnie pétrolière mondiale) et de Goldman Sachs international, l’une des banques les plus puissantes de la planète (et accessoirement ancien commissaire européen à la concurrence et ex-directeur général de l’Organisation mondiale du commerce). Imaginez-vous faire trempette dans le jacuzzi de l’hôtel en compagnie de Paul Wolfowitz (ancien secrétaire d’Etat à la défense), de Richard Perle (théoricien de la politique états-unienne au Moyen-Orient), et de Robert Zoellick (nouveau président de la banque mondiale), ou, attablé entre Henry Kissinger et David Rockefeller, rire grassement à la dernière blague sexiste de Patrik Devedjian.
Ces descriptions ne sont qu’extrapolation mais ne doivent pas être si éloignées de la réalité partiellement décrite par Michael Gama (un pseudonyme, sûrement pour préserver cette ambiance mystérieuse). Tous les personnages sus-cités sont des participants permanents ou occasionnels de ces sommets internationaux mais occultes. Côté français on peut ajouter les participations régulières ces dernières années de dirigeants d’Axa (Henri de Castries), de Lafargue (Bertrand Collomb), ou d’Areva (Anne Lauvergeon), ou, sur invitations, la présence épisodique de politiques (Bernard Kouchner, Jean-François Copé...), d’experts (Thierry de Montbrial, Olivier Roy...) ou de journalistes (Nicolas Beytout...). Il faut bien distinguer le noyau dur, très nord-américain et issu des milieux d’affaires, des participations circonstancielles : des experts invités pour leur savoir ou des personnalités montantes que les élites anglo-saxonnes se doivent de découvrir. « Il ne faut pas considérer qu’ils ont du pouvoir parce qu’ils sont là. Ils sont là parce qu’ils ont du pouvoir », résume Pascal Lamy, actuel président de l’OMC. « L’essence du système, c’est à dire cela fait partie de la fonction assimilatrice du système, c’est que les dissidents sont invités. A mon avis, José Bové sera un jour invité, c’est évident. C’est la nature même du système », ajoute Jean-Louis Gergorin, vive-président d’EADS. Reste une question : à quoi servent ces séminaires de luxe ? A prendre le pouls du monde, à anticiper les grandes évolutions. « La réunion se termine donc sans conclusion, mais de temps en temps, il est des sujets sur lesquels on se dit que ce serait mieux s’il se passait quelque chose que s’il ne se passait pas quelque chose », nous explique le Belge Etienne Davignon (ancien ministre, président de la Table ronde des industriels européens, vice président d’Accor, de Tractebel ou de Fortis). Sur le contenu des échanges, nous n’en serons pas plus. Car tout est « off » bien entendu.
Rencontres au sommet, quand les hommes de pouvoir se réunissent Michael Gama, L’Altiplano, 189p, 14€...... c'est le prix de la connaissance , non, juste un entracte
Cet article a été initialement publié dans l’hebdomadaire Témoignage Chrétien
Ils suscitent de nombreux fantasmes. Les plus paranoïaques y voient la preuve irréfutable d’une conspiration mondiale fomentée par un gouvernement de l’ombre. « Ils », ce sont ces clubs privés, ces forums de Davos miniatures mais confidentiels, qui réunissent banquiers, PDG, responsables d’institutions internationales, sherpas de chefs d’Etat, ministres ou experts. Les plus cotés d’entre eux, la « commission Trilatérale » et le « groupe Bilderberg », organisent des week-ends annuels de rencontre, en toute discrétion. Champagne, jets privés, paillettes (de quelques têtes couronnées) et people (de la finance internationale) sont au rendez-vous. Mais de paparazzi, point. En comparaison, les soirées VIP des Bains font office de vulgaire amusement pour petits parvenus. Imaginez-vous installé dans la chambre voisine de la suite occupée par la reine Béatrix des Pays-Bas, siroter un armagnac trente ans d’âge accoudé au bar avec Jean-Claude Trichet, gouverneur de la banque centrale européenne, Michel Bon, ancien PDG de France Télécom, et l’Irlandais Peter Sutherland - PDG de BP (British Petroleum, troisième compagnie pétrolière mondiale) et de Goldman Sachs international, l’une des banques les plus puissantes de la planète (et accessoirement ancien commissaire européen à la concurrence et ex-directeur général de l’Organisation mondiale du commerce). Imaginez-vous faire trempette dans le jacuzzi de l’hôtel en compagnie de Paul Wolfowitz (ancien secrétaire d’Etat à la défense), de Richard Perle (théoricien de la politique états-unienne au Moyen-Orient), et de Robert Zoellick (nouveau président de la banque mondiale), ou, attablé entre Henry Kissinger et David Rockefeller, rire grassement à la dernière blague sexiste de Patrik Devedjian.
Ces descriptions ne sont qu’extrapolation mais ne doivent pas être si éloignées de la réalité partiellement décrite par Michael Gama (un pseudonyme, sûrement pour préserver cette ambiance mystérieuse). Tous les personnages sus-cités sont des participants permanents ou occasionnels de ces sommets internationaux mais occultes. Côté français on peut ajouter les participations régulières ces dernières années de dirigeants d’Axa (Henri de Castries), de Lafargue (Bertrand Collomb), ou d’Areva (Anne Lauvergeon), ou, sur invitations, la présence épisodique de politiques (Bernard Kouchner, Jean-François Copé...), d’experts (Thierry de Montbrial, Olivier Roy...) ou de journalistes (Nicolas Beytout...). Il faut bien distinguer le noyau dur, très nord-américain et issu des milieux d’affaires, des participations circonstancielles : des experts invités pour leur savoir ou des personnalités montantes que les élites anglo-saxonnes se doivent de découvrir. « Il ne faut pas considérer qu’ils ont du pouvoir parce qu’ils sont là. Ils sont là parce qu’ils ont du pouvoir », résume Pascal Lamy, actuel président de l’OMC. « L’essence du système, c’est à dire cela fait partie de la fonction assimilatrice du système, c’est que les dissidents sont invités. A mon avis, José Bové sera un jour invité, c’est évident. C’est la nature même du système », ajoute Jean-Louis Gergorin, vive-président d’EADS. Reste une question : à quoi servent ces séminaires de luxe ? A prendre le pouls du monde, à anticiper les grandes évolutions. « La réunion se termine donc sans conclusion, mais de temps en temps, il est des sujets sur lesquels on se dit que ce serait mieux s’il se passait quelque chose que s’il ne se passait pas quelque chose », nous explique le Belge Etienne Davignon (ancien ministre, président de la Table ronde des industriels européens, vice président d’Accor, de Tractebel ou de Fortis). Sur le contenu des échanges, nous n’en serons pas plus. Car tout est « off » bien entendu.
Rencontres au sommet, quand les hommes de pouvoir se réunissent Michael Gama, L’Altiplano, 189p, 14€...... c'est le prix de la connaissance , non, juste un entracte
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