ACTA, liberté de mouvement et droit d'accès à internet (
(Par FrédéricLN . le samedi 23 janvier 2010, 08:24 - Politique - Lien permanent - Démocratie-Libertés Médias-Internet-Com)
Une discussion chahutée avec Fabrice Epelboin ici et là me donne l'occasion de découvrir ACTA, le projet d'Accord Commercial Anti-Contrefaçon, que le même Fabrice Epelboin dénonce sur readwriteweb.
En résumé violent, et selon wikipedia en français à ce jour, ACTA, pour protéger la propriété intellectuelle, "permettrait aux douaniers de fouiller des portables, des lecteurs MP3 et des téléphones cellulaires à la recherche de produits qui violent le droit d'auteur. Il imposerait aussi de nouvelles obligations de coopérer chez les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), incluant la divulgation d'informations touchant leurs clients tout en restreignant l'usage d'outils informatiques protégeant leur vie privée"
C'est un résumé violent : la version anglaise de wikipedia (deux pages de lecture en anglais facile !) est nettement plus précise et nuancée. Elle rappelle en particulier que les parties en négociation sont loin d'un accord sur ces sujets.
À la serpe, mon point de vue sur ces sujets :
C'est très bien que les Etats cherchent à s'entendre sur les normes mondiales de protection de la propriété intellectuelle. Alors que des contenus immatériels peuvent être localisés partout sur la planète et accessibles de partout, une démocratie ne peut pas prétendre que seuls l'intéressent les contenus produits et consultés sur son territoire géographique.
Si on est si loin d'un accord, c'est parce que i) les intérêts en présence sont très divers. Mieux vaudraient des forums publics sur le sujet, plutôt que de négocier en chambre entre diplomates (pas toujours les plus branchés mp3) sous la pression des lobbyistes de grands groupes.
Si on est si loin d'un accord, c'est parce que ii) les réalités techniques sur lesquels pèserait une réglementation (protocoles internet, téléphones portables...) évoluent à grande vitesse. Il faut donc, soit renoncer à réglementer, soit (mieux) faire un peu de prospective et regarder à moyen ou long terme.
La croissance des débits de communication (bande passante) est si rapide qu'on peut raisonnablement se placer dans un monde où tout contenu placé sur un support numérique peut être transmis partout dans le monde à un coût nul et dans un temps nul (par satellite par exemple). Vouloir réglementer, filtrer, limiter le contenu de ces canaux de communication serait donc absurde : il en repousserait aussi vite d'autres ailleurs,... et de plus en plus vite année après année.
La croissance des supports de stockage (mémoires de baladeurs…) est elle aussi très rapide : très vite, et dès aujourd'hui, le détenteur du support ignore une grande partie de ce qui s'y trouve (n'a pas écouté le dixième des chansons stockées, surtout s'il y en a beaucoup) et serait bien incapable d'en tracer l'origine. On peut imaginer qu'une grande partie de ce contenu aura été placé par des automates ou des procédures sur lesquelles le détenteur a peu de visibilité - par exemple, on enregistre la pièce jointe d'un mail sans en connaître le contenu ni l'auteur.
Ainsi, des dispositions comme celles imaginées au début de ce billet menaceraient en pratique le droit d'accès à internet, la liberté de mouvement et la liberté de création.
Par conséquent, les efforts de régulation devraient porter sur les deux bouts de la chaîne - la publication d'une part, la consommation ou diffusion publique ou commerciale, d'autre part. Et renoncer une bonne fois à couper les canaux de communication ou confisquer les supports de stockage. Donc reconnaître la neutralité des réseaux ouverts au public[1].
Dans ces canaux de communication, une enquête policière menée sur ordre de l'autorité judiciaire, sur des personnes précises et un délit précis, doit rester possible comme dans tout autre espace de communication (écoutes téléphoniques par exemple).
Une réflexion mondiale sur la nature de la propriété intellectuelle ou du droit d'auteur, devrait faire évoluer la conception française ou la conception américaine actuelles. Là où nous nous scandalisions du plagiat, nous devrions apprendre à reconnaître la valeur de l'imitation ; là où nous méprisions les collages, nous devrions faire place au mashup dans notre droit……
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