L'Europe en Crise....

Depuis la crise grecque, toute l’énergie des dirigeants européens a été consacrée à neutraliser la spéculation des marchés afin de contenir l’effet d’emballement du processus d’insolvabilité. Le fonds de solidarité européen a été conçu pour permettre de prêter à un taux raisonnable les liquidités nécessaires aux États en difficulté. Il est donc censé donner un peu de temps aux États pour remettre leur finance en ordre afin de pouvoir retourner au plus vite se financer sur les marchés. Le problème est que ces États ne connaissent pas une difficulté passagère consécutive à la crise, comme on voudrait nous le faire croire. Comme on l’a déjà vu, ces États glissent lentement mais sûrement sur la pente de la banqueroute.

On ne fait que d’essayer de gagner un peu de temps pour repousser le problème à plus tard en espérant que le cataclysme prévisible ne se produise pas. Mais que se passera t-il après 2013 lorsque les dettes des États seront considérées comme officiellement à risque ? Les États en difficultés pourront-ils même encore se financer sur les marchés ? Nul ne le sait.

Les dirigeants européens ont-ils conscience de la gravité de la situation ? On pourrait être tenté de répondre par la négative lorsqu’on écoute les propos lénifiants de nos ministres qui s’évertuent à présenter cette crise comme une guerre du politique contre la spéculation financière. Pourtant les déclarations des dirigeants allemands qui refusent de toutes leurs forces une « Europe de transferts financiers » laissent à penser du contraire. Eux semblent avoir compris la vraie nature de la crise, même s’ils refusent toutes les solutions proposées par leurs partenaires.

La vérité est que personne n’a à ce jour de solution et qu’en réalité, il n’y a pas de bonnes solutions.

De l’austérité naîtra de nouvelles crises financières
La première solution qui a été mise en œuvre en accompagnement des plans dit de « sauvetage » a été d’imposer aux populations concernées un drastique plan d’austérité. Solution somme toute logique. Ces pays ont vécu trop longtemps au dessus de leurs moyens. Ils doivent donc ramener leur niveau de vie au niveau de richesse que leur économie produit de manière endogène.

Les plans de rigueur ne visent pas seulement en effet à réduire le déficit public. Les hausses d’impôts, les réductions des dépenses publiques et les baisses de salaires ont pour objet plus profond de réduire la consommation, donc les importations et ainsi de contribuer à ramener la balance courante vers l’équilibre afin de casser le moteur du surendettement.

Cette politique n’est naturellement pas sans dommages, non seulement pour les peuples, leur niveau de vie et de protection sociale, mais aussi pour l’économie elle-même. L’austérité, par la contraction économique qu’elle implique, fait monter le taux de chômage et accélère les faillites d’entreprises. Ainsi, des acteurs économiques « normalement » endettés peuvent devenir du jour au lendemain, insolvables. Appliquée à des pays ayant un taux d’endettement privé excessif, cette purge présente le risque de transformer de bonnes dettes en créances irrécouvrables et donc en pertes pour le système bancaire. L’Espagne et le Royaume-Uni, qui se trouvent tout deux dans cette situation, risquent donc fort d’entraîner une nouvelle crise financière qui se propagera dans toute l’Europe.

En outre, une généralisation des politiques de rigueur dans un contexte où demande est déjà atone aura pour effet d’instaurer un climat récessif sur tout le continent, ce qui ne pourra que favoriser la contagion de la crise à d’autres pays. Lorsque la rigueur concerne de petits pays, la contraction de la demande n’a guère d’effet. Mais si tout le monde se met à se serrer la ceinture sur le continent en même temps sans qu’une grosse économie ne compense en se mettant à consommer, l’Europe s’engagera dans une spirale dépressive et déflationniste sans fin.

En tout état de cause, si le « théorème d’Artus » est juste, ces cures d’austérité, aussi douloureuses et risquées soit-elles, apparaissent cependant inévitables pour les pays concernés pour corriger rapidement le déséquilibre de leur balance courante.

L’ineptie des « Eurobonds »
Pour juguler la crise des dettes souveraines, certains proposent des « Eurobonds » c’est-à-dire une émission de dette publique effectuée en commun et solidairement par l’ensemble des pays de la zone euro pour financer une partie de leur dette. On pourrait imaginer par exemple que les Etats membres puissent financer leur dette par des Eurobonds jusqu’au plafond autorisé par les critères de Maastricht (60% du PIB)

Ce mécanisme s’inscrit dans cette lecture européiste un peu mécanique de la crise. Beaucoup d’européistes refusent de reconnaître les tares de la construction de l’Euro et de l’union européenne pour se réfugier dans cette posture toujours très pratique et très appréciée des psychorigides, qui veut que lorsqu’une politique a échoué c’est toujours parce qu’elle n’a pas été assez loin. Appliquée à la crise financière européenne, ce discours conduit à affirmer que l’euro est une bonne monnaie mais qui souffre d’un défaut de coordination des politiques économiques. On ne sortirait donc de la crise que par le haut, par plus d’Europe, plus d’intégration, plus de solidarité.

Techniquement, cette proposition ne résiste pas à l’analyse. Elle n’apparaît que comme une posture destinée à exprimer un résidu de foi dans le projet européen sans apporter la moindre solution aux problèmes. Il est heureux que l’Allemagne, devenue le fer de lance du souverainisme en Europe, s’y soit fermement opposée.

Le niveau de la dette et des besoins de financements des différents Etats n’est pas identique pour tous. Les pays les plus endettés et donc les plus fragiles devront continuer à se financer seuls sur les marchés pour la partie la plus risquée de leur dette, ce qui reviendrait certainement à leur faire payer des taux d’intérêts usuraires. Au final, cette solution risque d’être perdant-perdant. Les Etats sûrs, comme l’Allemagne ou la France, verraient leur taux d’intérêt augmenter et les Etats fragiles payer des taux d’intérêts excessifs sur la partie de leur dette excessive au regard des critères européens.

Si l’on voulait financer l’intégralité de la dette par les obligations communautaires, cela impliquerait nécessairement une discipline budgétaire de fer, et concrètement la mise sous tutelle des pays en difficultés et une totale perte de souveraineté budgétaire pour tous. Un gigantesque pas en avant dans la direction du fédéralisme le plus technocratique !

Cette solution n’aurait de sens que si on avait à faire à une crise spéculative transitoire et sans fondements économiques réels. Mais si l’un des Etats devait être amené à faire défaut, ses voisins seraient amenés à se substituer à lui pour honorer sa dette.

La question peut éventuellement se poser en cas de crise bancaire et la nécessité de renflouer les banques d’un pays confronté à un important taux de défaut sur la dette privée afin d’éviter la contagion à l’ensemble du système. Mais dans ce cas, on peut imaginer d’autres solutions comme une intervention de la BCE pour racheter des titres de dette pourries, à l’image de ce qui s’est fait aux Etats-Unis en 2008.

En revanche, la solution ne fonctionne pas dans le cas d’un Etat en situation d’insolvabilité structurelle et permanente. Si un pays s’avère incapable de stabiliser son taux d’endettement public, la stabilisation du taux d’intérêt auquel il emprunte ne suffira pas à le sauver. Il sera tôt ou tard étranglé par le montant des intérêts à verser. Dans un tel cas de figure c’est un transfert financier permanent entre les pays excédentaires et les pays déficitaires qu’il faut mettre en place.



La solidarité européenne, c’est NEIN !
Cette solution procède d’une grille de lecture fédéraliste, souvent développées par Patrick Artus dans ses notes. Dans une union économique et monétaire, il est normal que certains pays, les plus compétitifs, se spécialisent dans la production et concentrent sur leur sol l’essentiel de la base productive de la zone, pendant que d’autres se désindustrialiseraient et se spécialiserait sur les services domestiques (tourisme, immobilier …) Ces derniers n’étant pas exportables, les pays désindustrialisés connaissent donc logiquement un déficit structurel massif de leur balance courante, ce qui les conduira à la banqueroute sans transfert financiers permanent.

Il s’agirait de reproduire à l’échelle du continent les mécanismes de circulation de la richesse qui existent au sein d’une nation. Si les transferts privés ne suffisent pas (migration des retraités, tourisme) il faudra organiser le transfert des régions productives vers les régions de consommation par la fiscalité et le budget. Cette solution se traduirait par la montée en puissance du budget européen avec soit un renforcement des compétences de transferts (politique régionale, fonds structurels) soit le développement de nouvelles compétences et pourquoi pas de « service publics européens ». Ce budget pourrait même être financé par une fiscalité propre européenne qui ferait mécaniquement davantage contribuer les territoires riches que territoires pauvres.

Cette belle et grande idée, universaliste et partageuse, va probablement nous être rabâchée pendant toute la campagne présidentielle tant elle correspond bien à l’esprit français, surtout s’il est de gauche, européen et opposé aux « égoïsmes nationaux ». Certains nous présenteront ce fédéralisme budgétaire comme une révolution ou une formidable avancée de la construction européenne. Il ne s’agira en réalité que d’un avatar du très vieux « L’Allemagne paiera » qui n’a naturellement aucune chance de voir le jour.

Les Allemands, qui ont très bien perçu le risque, ont d’ores et déjà clairement indiqué qu’ils préféreraient quitter l’Euro que de payer pour les mauvais élèves de la zone. On ne peut guère leur donner tort. Non seulement la Grèce n’est pas pour l’Allemagne, ce que la Haute Marne est à Rhône-Alpes, mais ce projet entre en contradiction frontale avec l’esprit et la lettre de la construction européenne depuis toujours, laquelle n’a jamais été fondé que sur le principe de concurrence, de compétition des systèmes sociaux, dans une logique de chacun pour soi dans la mondialisation.

Quand bien même on voudrait percevoir pour des raisons idéologiques l’Europe comme une nation unifiée où pourrait s’exprimer la solidarité entre riches et pauvres, et la France comme une simple région de ce grand ensemble, il conviendrait de s’inquiéter du sort de notre pays et des emplois qu’il pourra encore produire dans ce schéma où la spécialisation serait totale.

La vocation de la France ne risque t-elle pas en effet à se limiter à une vaste zone touristique et de villégiatures pour riches retraités, où les seuls emplois qualifiés se trouveront dans quelques rares métropoles capables d’accueillir les fonctions de commandement de quelques grands groupes à taille mondiale.

Fort heureusement, les Allemands ne veulent pas d’une telle Europe. On ne peut que les en remercier !

La réindustrialisation par la compétitivité
Fondamentalement la crise actuelle prend sa source dans la désindustrialisation du continent. Les pays aujourd’hui menacés ont trop laissé se dévitaliser leur base productive. Ne pouvant plus exporter l’équivalent de ce qu’ils importent, leur échanges avec le reste du monde sont devenus structurellement déficitaires. Il s’agit là probablement de l’erreur économique majeure du modèle de la mondialisation libre-échangiste.

Trop exclusivement préoccupés par le niveau global de l’emploi, les Etats ont ne se sont plus souciés de leur nature. Plus la part d’emploi industriel devenait faible et plus les emplois de services non exposés à la concurrence internationale (et donc produisant des biens ou service non exportables) devenaient prépondérants, plus l’industrie a été négligée et traitée comme une activité marginale en terme de création d’emploi, appartenant au passé et condamnée à disparaître au profit d’une nouvelle économie de services. La crise actuelle rappelle la nécessité pour toute économie de pouvoir équilibrer ses échanges extérieurs. Malheureusement, peut-être un peu tard.

La dégradation des échanges extérieurs des pays en difficulté est une conséquence du phénomène d’euro-divergence qui a vu certains développer des excédents et d’autres du déficit. Ce phénomène peut être vu comme Patrick Artus comme inhérent à l’union économique et monétaire. On peut également y voir comme Jacques Sapir la conséquence d’une politique non coopérative excessivement agressive de l’Allemagne qui a gagné des parts de marché au détriment de ses voisins. Bien évidemment, ce n’est pas l’interprétation officielle qui est retenue dans les cercles autorisés. Encore une fois, c’est la position allemande qui sert d’étalon.

On ne saurait en effet reprocher dans l’union européenne et la mondialisation à un pays d’avoir comprimé les salaires et le pouvoir d’achat, réduits les droits sociaux et massivement délocalisés et d’être devenu “trop compétitif”. Le problème vient nécessairement des perdants qui se sont trop laissé aller. Il leur appartient donc de suivre le même chemin que l’Allemagne avec 10 ans de retard avec une bonne et saine politique de rigueur salariale et budgétaire et avec une politique industrielle un peu plus offensive (effort de recherche et d’innovation, recherche de marchés à l’export, réduction de la fiscalité sur les entreprises, intensification de la qualification de la main d’oeuvre …)

Si le premier terme du programme s’assimile aux politiques d’austérité déjà examinées plus haut, le second ne saurait être balayé d’un revers de main. La compétitivité industrielle ne se résume pas qu’au paramètre « coût ». Les pays déficitaires – et notamment la France – seraient bien inspirés de s’attacher un peu plus à la montée de gamme de leur appareil industriel

Le problème c’est que de maintenir sa compétitivité et reconstituer une base productive qui a disparu, n’est pas du tout la même chose ! Lorsque l’Allemagne a engagé sa course à la compétitivité, elle disposait d’une base forte et d’un appareil industriel performant. Tel n’est plus le cas des pays qui ont préféré miser sur les emplois semi-aidés de service à la personne, dans le tourisme, l’hôtellerie, la restauration ou la construction immobilière. Recréer des PME exportatrices performantes, un appareil de formation professionnelle orienté sur les métiers productifs et une culture de la conquête des marchés extérieurs ne sera pas des plus faciles.

Compte tenu de l’avance prise par l’Allemagne, l’exercice apparaît perdu d’avance dans le cadre de l’actuel carcan européen, avec finances publiques en ruine, une surveillance tatillonne de la commission sur les aides aux entreprises, avec une monnaie surévaluée et dans un contexte de libre échange intégral où toutes les activités productives sont devenues des nomades déracinés dont les décisions de localisation ne sont dictées que par la loi du profit maximum.

La solution des deux Euros
Pour finir ce panorama des solutions officielles, je ne résiste pas à dire un mot d’une proposition initialement défendue par l’économiste Christian Saint-Etienne et récemment reprise avec force par l’ancien patron des patrons allemands Han-Olaf Henkel. Elle consiste à scinder la zone euro en deux pour regrouper au sein d’une même monnaie les pays excédentaire et dans une autre les pays déficitaires.

Du point de vue allemand, il ne s’agit que de repousser hors de leur zone les pays à problèmes pour être certain de ne pas être amené à les renflouer. Du point de vue Français, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’idée vague d’union latine déjà évoquée ici à la faveur d’échanges avec Jacques Sapir.

Je n’examinerais pas ici en détail cette hypothèse dans la mesure où elle n’apporte en elle-même aucune solution économique aux problèmes posés. En revanche, elle comporte une dimension politique évidente en cas d’explosion, non pas seulement de la zone euro mais de l’union européenne elle-même. Elle préfigure une nouvelle Europe multipolaire dont les centres seraient Moscou, Berlin, Paris et Londres avec quelques zones de transitions plus ou moins satellisées. Et surtout elle acterait un divorce définitif du couple franco-allemand en forme de partage du continent qui ravira certainement tous les nostalgiques de l’Empire des deux cotés du Rhin.

Ayant été l’un des premiers à prôner une rupture avec l’Allemagne et à imaginer l’union latine dans la foulée en forme de porte de sortie (mai 2008) je ne peux qu’accueillir cette proposition avec sympathie et intérêt. Même si la question n’est pas d’actualité, nous devons tout de même la conserver discrètement dans un coin de notre tête comme une perspective possible pour reconstruire un nouveau système économique après l’inévitable déflagration européenne. L’enjeu prioritaire reste cependant de l’éviter.

A mesure que la crise progresse, on entend de plus en plus défendre des solutions hétérodoxes qui auraient été impensables il y a encore un an.

Le défaut sur les dettes publiques, une fausse bonne idée.
Les Allemands, qui ont bien compris le caractère structurel de la crise des dettes souveraines ont proposé d’accompagner les prochains plans dit « de sauvetage » par un mécanisme de défaut afin de faire partager la note avec les investisseurs trop imprudents.

Cette proposition a priori séduisante comporte toutefois bien des inconvénients. En premier lieu, elle tend à rendre les marchés extrêmement nerveux ce qui les poussent à majorer les primes de risques qu’ils exigent. Cette prise de position a d’ailleurs grandement contribué à favoriser la contagion de la crise à l’ensemble des pays en difficultés. A quel niveau monteront les taux d’intérêts sur les dettes publiques des pays à la solvabilité douteuse, lorsque les dettes publiques seront officiellement risquées ? Les pays concernés pourront-ils même encore arriver à se financer sur les marchés ? On entre là en terre inconnue.

En outre, nul ne sait exactement quel est l’ampleur des dettes irrécouvrables toute nature confondues en Europe. Si le volume des pertes à faire subir au système bancaire est limité, celui-ci pourra le supporter sans faillir. Mais rien n’est moins sûr. Frédéric Lordon dans son dernier texte, prédit une faillite généralisée des banques en cas de généralisation du défaut des Etats !

Plus profondément, la proposition souffre du même vice que celle des Eurobonds. Elle ne fonctionne qu’en cas de difficulté ponctuelle mais est inopérante en cas d’insolvabilité structurelle. Admettons qu’un pays surendetté fasse défaut et bénéficie de prêts garantis par ses voisins européens. Il devra quand même pouvoir remettre son économie sur pied pendant la durée où ses besoins de financement seront assurés par les mécanismes de solidarité, afin de pouvoir revenir ensuite sur les marchés financiers avec de solides garanties !

Il y a enfin quelque chose de profondément paradoxal d’attendre des Etats qu’ils épongent les pertes des banques en les recapitalisant, puis d’accepter que ceux-ci une fois trop endettés leur fasse subir des pertes qui pourraient de nouveau leur être fatales.

Si in fine, la solution est de recourir massivement à la création monétaire pour recapitaliser les banques après leur faillite comme le propose Lordon dans son scénario, pourquoi ne pas utiliser cette arme avant, afin d’éviter le cataclysme financier ?

La monétisation des dettes, oui mais comment ?
La solution de la monétisation massive des dettes publiques est aussi une idée qui fait son chemin depuis quelques temps, bien que davantage sur la toile que dans les milieux autorisés. Le fait que les Etats-Unis aient décidé de recourir massivement à la planche à billets pour faciliter le financement leur économie (lourdement et structurellement déficitaire) a quelque peu contribué à légitimer cette solution hétérodoxe. Elle se recommande en effet d’arguments valables.

Les créances irrécouvrables auxquelles il s’agit de faire face s’analysent comme de la monnaie-dette qui a été émise en excès sur la base d’une promesse de création de richesse qui n’a finalement jamais eu lieu. En cas d’insolvabilité de l’emprunteur, cette (fausse) monnaie, au lieu d’être détruite normalement par le remboursement des prêts à partir de revenus réels, va l’être soit par destruction de capital (les titres de dettes détenues par la banque ou l’épargnant perdant brutalement toute valeur) soit par des sacrifices de l’emprunteur obligé de suer sang et eaux pour rembourser ou de vendre des bijoux de famille. Dans les deux cas, le défaut sur la dette se traduit par une destruction de richesse. A grande échelle, le défaut sur les créances irrécouvrables peut s’avérer cataclysmique.

La création monétaire, en organisant la substitution de monnaie-dette émise en excès par de la vraie monnaie définitive, peut alors permettre d’atténuer cette destruction de richesse.

La création monétaire peut prendre deux formes assez différentes. Elle peut se faire a priori, par un prêt de la banque centrale que l’Etat va injecter dans l’économie via ses dépenses budgétaires, ou bien a posteriori par le rachat par la banque centrale de titres de dettes ne valant plus rien sur les marchés.

Cette technique est diabolisée car supposée susciter de l’inflation, voire de l’hyperinflation, ce qui continue d’effrayer les Allemands près d’un siècle après la République de Weimar. Cette technique peut également avoir pour effet de déprécier la valeur de la monnaie, ce qui ne convient pas davantage aux tenants d’une monnaie forte que sont nos amis d’outre-Rhin.

La crainte de l’inflation ne paraît guère fondée dans le contexte actuel. En effet, si le montant de la création monétaire se limite à celui des créances irrécouvrables, il ne s’agira que de maintenir la masse monétaire en circulation, en évitant la brusque destruction de capital qu’entraîneraient les défauts. En outre, l’inflation est bien davantage causée par un excès de demande sur l’offre que par un accroissement de la masse monétaire. La création monétaire ne participe à l’inflation que dans la mesure où elle contribue à stimuler artificiellement la demande. Or dans une mondialisation où les capacités de production apparaissent illimitées (exceptions faite des ressources naturelles bien sûr), le déséquilibre entre la demande et l’offre ne se traduit plus par de l’inflation mais par du déficit extérieur, ce qui dégradera la solvabilité globale du pays ! Là se trouve le véritable danger d’une création monétaire excessive.

La création monétaire apparaît donc absolument nécessaire pour favoriser une sortie en douceur de la crise financière larvée que connaît l’Europe, mais l’outil doit être manié avec la plus grande des précautions sous peine d’aggraver le mal qu’il s’agit de combattre.



Dans le cas présent, les deux formes de création monétaire doivent être bien distinguées. La création « a posteriori » constituée par le rachat par la banque centrale de titres de dettes plus ou moins pourries semble la meilleure solution. Elle permet de recapitaliser les banques strictement à hauteur des pertes potentielles au fur et à mesure que celles-ci se manifestent, de manière à limiter la brutalité de la destruction de capital. Cette technique ne contribue ni à l’accroissement de la masse monétaire en circulation, ni à stimuler artificiellement la demande. La recapitalisation des banques à la hauteur de leurs pertes ne heurte guère l’objection de l’aléa moral dans la mesure où les bulles d’endettement peuvent être aisément imputées à la responsabilité de l’Europe qui a trop longtemps fermé les yeux sur l’importance de l’endettement privé et le déséquilibre des balances courantes, pour ne s’attacher que trop exclusivement  au niveau de l’endettement public.

Cette technique a été massivement pratiquée par la Fed au moment de la crise des subprimes par le rachat de créances immobilières douteuses. Elle est également utilisée par la BCE depuis le déclenchement de la dette souveraine. Elle fait incontestablement partie de la palette des solutions à privilégier. Il est à noter que la solution préconisée par Lordon (défaut sur les dettes publiques, faillite des banques, renationalisation et recapitalisation par création monétaire) procède de la même logique.

Beaucoup plus délicate est en revanche la solution de la création monétaire via des prêts à taux nuls que consentirait la BCE aux Etats membres. Elle aurait naturellement l’avantage de protéger les Etats contre une flambée des taux d’intérêt auxquels leur prêtent les marchés, bien plus efficacement que le mécanisme de prêts mutualisés ou les Eurobonds. Les Etats, directement financés par la BCE seraient en effet définitivement à l’abri de toute insolvabilité et de toute spéculation sur leurs taux d’intérêts.

Outre la difficulté à organiser une telle politique dans le cadre européen compte tenu de l’hétérogénéité des situations et le très probable véto allemand, elle se heurterait aussitôt au « théorème d’Artus » qui veut que “si un pays connaît un déficit structurel de ses échanges extérieurs, il est condamné tôt ou tard à l’insolvabilité d’un de ses agents économiques, soit les ménages, soit les entreprises, soit l’Etat et donc à des crises financières à répétition”.

Cette solution ne pourra en aucun cas exonérer les Etats déficitaires de la nécessité de rééquilibrer leurs échanges extérieurs afin de restaurer leur solvabilité globale, ce qui implique une contraction forte de leur demande intérieure. La création monétaire pourrait quelque peu desserrer les contraintes, atténuer la rigueur du désendettement et donc prévenir les risques de défauts sur les dettes privées, mais elle ne peut en aucun cas être une solution pérenne. Il y a en effet une contradiction entre les termes du problème. La création monétaire prévient des situations d’insolvabilité en fournissant de nouvelles ressources monétaires, mais mal utilisée, elle peut aussi stimuler la demande et ainsi contribuer à dégrader encore la balance courante qui est le principal facteur de l’insolvabilité. L’essentiel est donc moins le principe de la création monétaire que de savoir où cette nouvelle monnaie sera injecté et pour quel usage.

On ne peut donc pas exclure un soutien aux pays déficitaires par création monétaire qui ne se traduirait pas par une dégradation de la balance courante. L’exercice nécessiterait une précision chirurgicale, mais reste théoriquement possible. Il conviendrait alors que la monnaie injectée ne soutienne pas la demande pour des biens et des services importés, mais soit stimule l’offre locale, soit contribue à attirer des capitaux productifs. Cette création monétaire pourrait alors prendre la forme de fonds structurels pour la réindustrialisation des pays déficitaires.

Cette hypothèse se heurte cependant à la difficulté de restaurer une base productive lorsque celle-ci a été laminée par une décennie de mauvaise spécialisation sur l’économie de consommation et les emplois domestiques.

L’explosion de l’euro ou la thérapie de choc
Puisque la monnaie unique, par les déséquilibres croissant qu’elle a suscités au sein de la zone euro, a été un des puissants facteurs de la crise actuelle, sa suppression constituerait-elle alors la solution à privilégier ? Certains militent activement pour cette option, particulièrement Laurent Pinsolle et son parti Debout La République, qui a fait de la sortie de l’Euro son cheval de bataille.

La proposition paraît pourtant quelque peu simpliste. Ce n’est pas en supprimant les causes d’un problème qu’on répare les dégâts qu’il a causé. Penser cela c’est un peu comme croire que le cancer du poumon d’un gros fumeur va se soigner par l’arrêt de la cigarette. Le fumeur peut arrêter, il aura non seulement toujours son cancer, mais il devra en plus faire face à une insupportable sensation de manque !



Rappelons les effets attendus de cette théorie : En sortant de l’Euro, les pays déficitaires pourront de nouveau dévaluer, ce qui rétablira leur compétitivité et permettra d’alléger leur dette. Ils pourront en effet convertir souverainement la dette contractée en euro, en monnaie nationale dévaluée, retrouver la possibilité de monétiser leur dette publique en empruntant directement auprès de leur banque centrale.

Cette thèse est clairement affectée par le biais individualiste. La solution fonctionne pour un Etat isolé, mais absolument pas si elle est généralisée par tous !

1. La dévaluation de la dette contractée en euro s’assimile à un défaut partiel sur les dettes, ce qui ne manquera pas de dégénérer en crise bancaire et financière, qui se soldera par une destruction d’épargne et in fine par la nécessité de recapitaliser les banques. Or, il est évident que ce genre d’opération sera bien plus facile dans un cadre européen avec une quasi monnaie de réserve internationale, que dans un cadre national avec une monnaie nationale franchement ressuscitée.

2. La dévaluation généralisée des monnaies des pays déficitaires s’analysera comme une mesure d’appauvrissement brutal des économies concernées. Même s’il ne s’agira que de prendre acte d’une dégradation réelle de la compétitivité des pays concernés, l’ajustement s’effectuera de manière violente. Les importations seront immédiatement renchéries, y compris celles qui sont incontournables ou non substituables, ce qui se traduira par une perte de pouvoir d’achat et une contraction de la demande intérieure. Dans la mesure où ces économies sont davantage des économies de consommation que des économies de production, la contraction de la demande se traduira immédiatement par un accroissement du chômage.

3. La dévaluation généralisée entraînera par extension, une contraction vive de la demande globale en Europe, qui reviendrait à une concurrence exacerbée sur les coûts. Les dévaluations fermeraient les débouchés pour les exportations des voisins et accentueraient la concurrence pour leurs productions, ce qui ne manquera pas de causer quelques traumatismes dans l’appareil productif des pays voisins. Imaginons par exemple le sort des producteurs de fruits et légumes français concurrencés par des productions espagnoles rendues hypercompétitives par une pesetas dévaluée …

4. La monétisation des dettes publiques ne fera que déplacer le problème des taux d’intérêt sur la dette privée. Un pays dont la balance courante est déficitaire est contraint d’emprunter sur les marchés de capitaux les devises nécessaires au financement de ses acquisitions à l’extérieur. Plus les besoins seront importants et moins sûr sera la solvabilité de l’emprunteur, plus ces taux seront élevés. Un retour des pays déficitaires à leurs monnaies nationales se traduira immédiatement par une envolée des taux d’intérêts bancaires, avec des effets destructeur sur l’appareil productif qui s’agissait pourtant de stimuler.

5. Ce scénario n’aura des effets positifs que dans la mesure où la dévaluation permettrait un redéveloppement de la base productive. Or, non seulement il est délicat pour un pays de reconstituer une industrie qui a disparue ou qui n’a jamais existé, mais dans un contexte de contradiction globale de la demande européenne, il est évident que la production européenne ne pourra pas croître globalement. Tous les pays ne pourront pas s’avérer gagnants au petit jeu de la réindustrialisation par la course à la compétitivité-coût.

6. L’explosion de l’Euro produira un ajustement brutal des coûts de production au regard de la réalité de la force des différentes économies. Les produits allemands seront plus chers, les italiens moins chers, les espagnols encore moins …  Cela entrainera une grande redistribution des cartes dans la localisation de l’appareil productif, ce qui se traduira par un nouveau train de délocalisation. Bien malin celui qui peut dire à l’avance qui seront les gagnants et les perdants d’une telle opération ! L’entreprise allemande qui sera pénalisée par un Mark réévalué, va-t-elle continuer à pouvoir exporter plus cher grâce à la qualité du made in germany ? Va-t-elle se déplacer de l’autre coté de la frontière en Alsace ou en Moselle ? Ou va-t-elle se délocaliser dans un quelconque paradis fiscal, salarial ou social, en Irlande, en Espagne en Europe centrale ou carrément en Asie ?

7. En outre, il n’est pas du tout certain que la France ait vraiment intérêt à dévaluer. Il est en tout état de cause certain que la dévaluation sera bien moindre en France où le déficit de la balance courante n’est que de 1% quand il est de 10% en Espagne, au Portugal ou en Grèce. Il est probable que les effets négatifs sur le pouvoir d’achat, la consommation, l’emploi dans l’économie domestique, la fermeture des marchés des pays qui dévalueront plus et le surcroît de concurrence qu’ils lui feront subir, l’emporteront sur le petit gain en termes de compétitivité coût qu’elle entrainerait sur sa base productive déjà laminée. Compte tenu de son niveau de déficit extérieur, la France aurait surtout intérêt à développer (enfin) des politiques publiques efficaces au service de son appareil industriel et en particulier de ses PME !

L’objectif poursuivi par la sortie de l’Euro est juste. Il faut rapidement que chacun des pays de la zone retrouvent un équilibre de leur balance courante et pour cela, il faut que les monnaies puissent être régulièrement réajustables entre elles. Cependant, l’Eurodivergence a produit un tel niveau de déséquilibres internes qu’un ajustement par révision des taux de change entre les monnaies nationales, défaut partiel sur les dettes et contraction des demandes internes des pays déficitaires produira un choc très violent pour toute l’économie européenne. Cette solution constituerait une « thérapie de choc » à l’image de celle qui a été infligée aux économies des pays de l’Est au sortir de l’union soviétique, avec les mêmes chances de succès et les mêmes conséquences sociales. L’explosion de l’euro c’est le scénario de la déflagration, la politique du pire.

Le retour à l’équilibre « homéostasique » des économies nationales (désendettement et rééquilibrage des balances courantes) est indispensable, mais il gagnerait à s’effectuer de la manière la plus progressive possible, et donc si possible, dans le cadre de l’Euro et d’une Union Economique et Monétaire réformée.

Vers un protectionnisme national rustique ?
On ne parle plus guère de protectionnisme depuis quelques temps. Il se pourrait bien pourtant que la solution la plus efficace soit à chercher dans cette direction. Non pas un protectionnisme européen qui ne résoudrait en rien le phénomène d’eurodivergence, ni même un protectionnisme tarifaire qui emporterait les mêmes effets qu’une dévaluation généralisée, mais un protectionnisme national et radical qui aurait pour objet de localiser autoritairement une partie de la base productive sur les zones de consommation. C’est encore le plus sûr moyen de réindustrialiser rapidement une économie déficitaire.



Toute l’économie n’est pas soumise à la concurrence internationale. L’économie des services domestiques y est par nature préservée. Pourquoi alors l’intégralité de l’économie productive devrait être considérée comme mobile, allant et venant au gré des perspectives de profits offertes par les différents sites ? Ne pourrait-on pas circonscrire le champ de la concurrence internationale aux produits pour lesquels elle est inévitable ou souhaitable et considérer que certains produits ont vocation à être produit localement sur les zones de consommation ?

S’il peut être plus intéressant d’acheter à l’étranger les produits à haute intensité de main d’œuvre que de mobiliser des ressources pour les produire soi même ou les produits qui évoluent sans cesse pour ne pas se couper des dernières innovations, on ne voit guère l’intérêt d’appliquer la plus extrême des concurrences à des produits technologiquement mûrs ou qu’il est écologiquement absurde de faire transiter sur de longues distances. C’est bien cette concurrence totalement inutile qui entraîne une pression à la baisse sur les salaires, favorise toujours le moins disant et conduit les économies les moins préparées à la compétition à la ruine. La concurrence par la qualité, oui ! La concurrence sur les coûts au seul bénéfice de la maximation du taux de profit, non !

Les productions lié à l’équipement du foyer (électroménager, ameublement, matériaux de construction, équipements énergétiques et en particulier photovoltaïque …) pourraient être relocalisées autoritairement sur les zones de consommations, à la fois dans le but de réindustrialiser les économies déficitaires, limiter ainsi leur dépendance au monde extérieur et les doter en nouveaux emplois productifs qualifiés. Ainsi toute nouvelle bulle immobilière ou stimulation budgétaire du secteur de l’immobilier (notamment pour favoriser sa conversion écologique) entraînera mécaniquement le secteur productif sans dégrader la balance courante.

L’Europe pourrait alors conduire un programme de relocalisations industrielles. Ce plan définirait un délai au terme duquel certaines productions répondant à certains critères définis au niveau européen pourront être fermés au commerce international par décision des Etats membres. Cette réindustrialisation à marche forcée serait financée par de nouveaux fonds structurels européens dédiés aux investissements productifs. Ces fonds seraient alimentés soit par contribution des Etats excédentaires, soit par création monétaire bénéficieraient aux pays déficitaires au prorata de leurs déficits.

La réindustrialisation forcée permettrait d’attirer des capitaux productifs et donc de contribuer à rééquilibrer la balance courante des pays déficitaires, puis une fois les usines mises en service réduire durablement les risques de déficit structurel, même en cas de dégradation de la compétitivité.

J’ai voulu au travers de cette longue analyse de tenter de restituer ce que j’ai cru comprendre de la dite « crise de l’Euro » de la manière la plus synthétique et simple possible, sans chercher à « vendre » aucune solution. J’espère que ce travail pourra contribuer à la compréhension du problème et à aider chacun à se faire sa propre opinion sur les solutions à mettre en œuvre.



Cet article est une compilation de 2 articles publiés sur le blog de Malakine (ici et ici)

>> photos flickr CC Dan Simpson ; Wayne Leng ; Markus Ram ; Paul Nicholson ; Alan Cleaver ; Christopher Cozier ; William Murphy

Les algorithmes ont-ils pris le contrôle des marchés financiers? Publié le janvier 21st, 2011 Écrit par: antoinechampagne

Écrit par: antoinechampagne
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Pour qui a vu la saga Terminator, Skynet évoque ce réseau d’ordinateurs qui, une fois devenu plus malin que les humains, décide de déclarer la guerre à notre espèce. Depuis quelques années, des logiciels informatiques, plus précisément des algorithmes extrêmement complexes, ont peu à peu remplacé les traders. Aujourd’hui, selon les dernières études, quelques 73% des transactions aux États-Unis, sont réalisées par des machines à la vitesse de la lumière. C’est le High-Frequency Trading…

Le monde de la finance est particulièrement inventif. Surtout lorsqu’il s’agit de créer les conditions d’une crise financière globale. Il y a eu la crise de l’immobilier, celle d’Internet, des “Subprimes”. Il y aura probablement celle du High Frequency Trading (HFT).

Développée dans une relative discrétion, cette technique permet de gagner sans prendre de risques. On embauche des mathématiciens, des astrophysiciens, des statisticiens –paradoxalement peu de traders ou de financiers- et on leur demande de réaliser des algorithmes d’acheter et vendre en quelques microsecondes (une microseconde = un millionième de seconde).

« On achète et on vend à une vitesse telle que l’on peut générer quasiment à coup sûr des petits bénéfices sur chaque transaction. Et comme c’est récurrent, mis bout à bout, ça fait des millions et des millions. Le premier qui commet une erreur sur un marché est immédiatement sanctionné car ces programmes informatiques réagissent bien plus vite que des hommes », explique un banquier. Un autre raconte :

La seule fois où ça n’a rien rapporté, c’est le jour où les types ont oublié de lancer les programmes. On en rigole encore

Exemple simple : la même valeur peut être cotée sur deux marchés (Paris et New York par exemple), mais le cours peut être très légèrement différent pendant quelques microsecondes. Les algorithmes repèrent ces différences, achètent au prix bas et revendent au prix haut en une fraction de seconde.



Pour certains, la bonne santé des banques pour ce qui est de leur activité de marché serait imputable au développement du HFT. Les banques empruntent à un taux proche de zéro, revendent à un peu moins de 4%. De l’argent gratuit qui peut être réinvesti sur les marchés, via la HFT. Jusqu’au moment où le HFT part en vrille… C’est d’ailleurs ce qui s’est passé le 6 mai dernier à New York, lors d’un épisode depuis surnommé « Flash Crash ». L’indice global avait alors perdu 9% en séance, avant de se refaire. Le tout, sans aucune raison évidente. Sauf à considérer que les algorithmes ont été arrêtés et que le marché s’est asséché.

On est très loin des marchés financiers qui soutiennent l’économie réelle. Selon Nanex, une petite société américaine de diffusion de flux de données boursière a analysé des années de données à la recherche d’incongruités liées au HFT. Elle a ainsi mis en évidence que certaines places boursières avaient fourni jusqu’à 5.000 cours pour un seul titre en une seconde. On cherchera longtemps le lien avec l’économie réelle.

Mieux, Nanex a mis en lumière la dernière arme des acteurs du HFT. Depuis des années, ils se livrent à une course aux armements visant à gagner des microsecondes sur les concurrents. Cela est passé par l’achat de machines plus performantes, plus rapides, par l’embauche à prix d’or de créateurs de scenarii ou d’algorithmes, par le raccourcissement des câbles. Cela a fini par la mise en place de centres serveurs en colocation au cœur des marchés financiers. Que faire pour aller plus vite que le voisin ? Simple, l’inonder de données pourries. Un déni de service au cœur de la finance. Un acteur va ainsi envoyer des milliers d’ordres d’achats qu’il annulera dans la microseconde. Les autres algorithmes seront obligés de traiter ces informations et seront ralentis… C’est le « quote stuffing ».

La SEC (autorité des marchés américaine) qui se penche sur ce sujet sans pour autant interdire le HFT a pondu un rapport comique sur le flash crash du 6 mai. On peut y lire ceci :

Le “high-frequency trading” peut générer plus de un million de transactions en un seul jour et représente maintenant plus de 50% du volume du marché des actions. De nombreuses entreprises génèrent plus de 90 ordres pour une seule transaction. Autrement dit : une entreprise qui effectue un million de transactions par jour peut soumettre plus de 90 millions d’ordres annulés.

En d’autres termes encore, le « quote stuffing » est prépondérant sur les marchés.

Bien entendu, les investisseurs individuels sont les escargots des marchés, ceux qui permettent en partie au HFT d’être aussi rentable. Tout est pour le mieux.

Cerise sur le gâteau, les algorithmes ne perçoivent pas de bonus en fin d’année…



>> photos flickr CC Deutsch Bank AG ; artemuestra

Du danger avec la LOPPSI 2 ?

Police, justice : "La Loppsi 2 n'est pas notre France"

Par Sandrine Bélier et Eva Joly, Eurodéputées Europe Ecologie-Les Ve...
Alors que la Hongrie est montrée du doigt en raison d'une loi sur les médias que François Baroin, le porte-parole du gouvernement, a jugé incompatible avec les traités fondamentaux européens, la droite française s'apprête à voter cette semaine la Loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite Loppsi 2.

Un texte dont les effets sur les libertés fondamentales, pour être plus insidieux, n'en sont pas moins dangereux, irresponsables et contraires aux valeurs de l'Union européenne et des droits de l'homme. Si le Sénat devait adopter en deuxième lecture la Loppsi 2, c'est l'ensemble de l'Etat de droit français qui serait remanié au bénéfice de procédures dangereuses.

Par exemple, l'article 36A, dénoncé avec vigueur par le Syndicat de la magistrature : les audiences judiciaires pourront désormais se faire par « visioconférence ». Le justiciable incarcéré préventivement sera confronté à ses juges sans quitter son lieu de détention, et sans que les juges ne se déplacent. Seul lien entre les parties, une webcam et quelques micros…

« Quiconque a déjà vécu l'audition d'une victime ou l'interrogatoire d'une personne détenue sait pertinemment que c'est dans le contact direct, avec des mots, des regards, des gestes, des silences, que se noue la relation entre le juge et le justiciable », dénonce le Syndicat de la magistrature. En transformant les tribunaux en salles virtuelles, hors de tout contrôle populaire, on porte atteinte à « l'essence même de la relation judiciaire ».

« Le début d'une dangereuse déshumanisation »

Ce système tourne le dos à l'esprit de la justice et du droit, c'est le début d'une dangereuse déshumanisation. Signalons que ces salles virtuelles existent déjà et n'attendent plus que l'adoption de la Loppsi 2 par le Sénat pour être rendues opérationnelles.

C'est notamment le cas au nouveau centre de rétention du Mesnil-Amelot, « dédié » aux étrangers en situation irrégulière, concernés par l'article 36B du texte. Même principe que pour l'article 36A. D'une décision rendue par caméra interposée dépendra leur expulsion du territoire.

Autres populations concernées par la Loppsi 2, les mineurs, qui pourront être déférés en comparution immédiate – ce que les tribunaux pour enfants s'interdisaient, leur fonction particulière comportant une dimension préventive essentielle, prioritaire sur la répression.

Les vendeurs à la sauvette (article 24 sexies), aussi, pour lesquels sont instituées des peines de prison de six mois ou d'un an ferme, en sus d'amendes, jusque-là plafonnées à 750 euros, et majorées à 3 750 euros ou… 15 000 euros si le délit est commis en groupe – ce qui est généralement le cas. Ceci sans pour autant s'attaquer au cœur des réseaux de contrebande…

Quant aux gens du voyage, après l'affaire des Roms dénoncée à juste titre par la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, l'article 32 ter A prévoit qu'ils pourront être expulsés d'un terrain même s'ils y séjournent avec l'accord du propriétaire. Même s'ils en sont propriétaires, ce qui est le plus souvent le cas.

Le tout via une procédure de 48 heures qui ne pourra être contestée que sur recours devant un tribunal administratif, qui devra statuer dans les 72 heures. Dans la pratique, l'ensemble de la procédure pourrait ne durer qu'une semaine et les défendeurs, s'ils ne se conforment pas à un avis d'expulsion, être en outre passibles d'une amende de 3 750 euros.

« On remplace des services publics par des milices »

Dernière mesure, de loin non exhaustive, l'article 37 quater prône la constitution d'une « réserve civile de la police nationale » et d'un « service volontaire citoyen de la police nationale ». Dans ce cadre, tout citoyen âgé de 17 à 65 ans pourra travailler 45 ou 90 jours par an au service de la police, en étant indemnisé (et exonéré d'impôt sur ces rémunérations également exonérées de charges sociales).

Etrange société que nous prépare cette majorité, où l'on remplace des services publics, des fonctionnaires d'État par des milices. Les forces de l'ordre ont besoin de moyens et d'une formation de qualité pour être au contact des toutes les réalités de notre pays. Au lieu de ça, les partisans de cette loi préparent de nouveaux drames.

Et cela vaut aussi pour les transports publics, dont les agents devraient être amenés à jouer le rôle d'auxiliaires de police. Eric Ciotti, le rapporteur de la loi devant l'Assemblée, dit que lorsque ceux-ci seront confrontés à un contrevenant, si celui-ci « refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, les agents de l'exploitant devront (le) conduire sur le champ devant l'officier de police judiciaire territorialement compétent »…

Transformation, hier, avec Hadopi, des fournisseurs d'accès à Internet en police privé sur le Net. Mise en place, aujourd'hui, avec la Loppsi 2, d'une justice virtualisée, d'une « réserve civile » de la force publique, d'une chasse préfectorale aux plus démunis, d'une transformation des agents des transports publics en auxiliaires de police… Notre France tourne le dos à nos principes fondateurs de 1789 des droits de l'homme et du citoyen.

Nos sénateurs auront cette semaine un choix crucial à faire. Un choix de société. Celui de la cohérence, celui d'une France de la répression ou d'une France dont la classe politique s'engage à faire face et trouver les solutions pour réduire les inégalités et la misère qui touchent les Français.

Ils ont à montrer l'exemple et défendre l'Etat de droit et les libertés publiques sur notre propre sol, conformément à ce que devrait être l'engagement de tous dans notre République.

Le 17 janvier 2011

Comment les entreprises du CAC échappent-elles aux impôts ?


FISCALITÉ – Décryptage des petites astuces des grandes entreprises…

Pancarte brandie lors d'une manifestation à Lyon, le 29 janvier 2009
(Noter malgré tout que cette photo semble retouchée, voire truquée - RY)
Un quart des entreprises du CAC 40 ne paye pas d’impôt. Aucune triche là-dedans, elles ne font qu’appliquer les dispositifs fiscaux en vigueur.
En octobre dernier, le Conseil des prélèvements obligatoires notait dans un rapport à la Cour des Comptes une «augmentation constante du nombre de dépenses fiscales applicables aux entreprises», en particulier «sensible sur la période 2002 – 2010». Et chiffrait le coût global de ces mesures à 71,3 milliards d’euros en 2010, contre 19,5 milliards en 2005. Ce sont particulièrement les entreprises du CAC 40 qui en bénéficient : elles sont taxées sur leurs profits à 8%, contre 22% pour les PME.


20minutes.fr revient sur les dispositifs qui permettent aux entreprises d’échapper au fisc.
Une bonne entente entre mère et fille
Pour éviter de taxer deux fois une même entreprise et ses filiales, l’Etat n’impose pas les dividendes distribués par une filiale à sa société mère. Pas de retenue donc si les filiales d’un groupe fonctionnent bien. Et si au contraire elles sont déficitaires ? Là encore, une niche favorise l’entreprise mère. Elle peut en effet reporter les pertes de ces filiales en difficulté sur celles des filiales bénéficiaires pour échapper à l’impôt. Coût des deux dispositifs : 34,9+19,5 milliards d’euros = 54,4 milliards.
Jouer avec ses pertes
Il n’y a pas que les entreprises à filiales qui peuvent réduire leurs impôts quand elles perdent de l’argent. Le régime dit «d’intégration fiscale de droit commun» permet à toutes les sociétés de déduire pendant plusieurs années leurs pertes. Elles réduisent leurs impôts de 12% à 16% en moyenne grâce à ce dispositif.
S’endetter inutilement
Quand une entreprise s’endette, elle peu déduire ses intérêts d’emprunts de ses bénéfices, et donc réduire ses impôts. Sauf que le Conseil des prélèvements obligatoires note des abus : les entreprises réduisent volontairement la capitalisation de leurs filiales françaises, où les intérêts sont déductibles des bénéfices, pour les faire emprunter. Les filiales françaises supportent l’endettement des autres et paient moins d’impôts. Si cette mesure était plafonnée, c’est 11,35 milliards d’euros qui viendraient s’ajouter aux recettes de l’Etat.
(Merci à Virtus & Honor)

Dette de la France : faillite annoncée ou risque mesuré ?

vendredi 10 décembre 2010, 08:23

de Emmanuel Lévy - Marianne | Mercredi 8 Décembre 2010 à 05:01 

La dette de la France est telle que la faillite menacerait. Elle atteint 86 % du PIB. Nos créanciers internationaux rechigneraient à nous faire crédit. Mais à y regarder de plus près, l'endettement de la France vis-à-vis du reste du monde demeure limité: moins de 238 milliards d'euros.

Qui est le meilleur débiteur?  La France ou l’entreprise Sodexo ? La France ou Danone ? Bouygues ? A cette question, les marchés financiers répondent…pas la France. Comme ces grosses cylindrées, elles sont 14 entreprises du CAC40 à être aujourd’hui considérées comme de meilleurs débiteurs, selon la hiérarchie que révèlent les CDS. Les fameux Credit default swap, qui mesurent la probabilité de défaut de paiement d’un emprunteur, donnent à voir un pays gravement malade. Il faut aujourd’hui payer 0,9 centime pour s’assurer d’être remboursé de 1€ prêté à l’Etat français. C’est cher. Très cher pour un pays dont le risque de non-remboursement est pourtant relativement faible. 

Voilà  pourtant qui va conforter François Fillon dans sa croyance d’être « à la tête d'un état dans une situation de faillite sur le plan financier », comme il le fit en 2007 juste avant la crise. Qu’entre temps, la dette, au sens de Maastricht, ait augmenté, passant de 66 points de PIB (1 200 milliards d’euros à cette date) à 86 points, donne pourtant à l’affirmation du Premier ministre une étrange saveur. Si à 66%, nous étions en faillite, quelle est notre situation actuelle ? Car la France n’a-t-elle pas conservé son fameux triple A, donné par les agences de notation, et au nom duquel fut décidée la réforme des retraites ? « Si on avait été en faillite, vous voyez maintenant on est à 86, là on ne devrait plus trouver d’investisseurs pour nous prêter de l’argent et au contraire, non seulement on en trouve mais à des taux plus bas », résumait récemment encore Eric Heyer de l’Office français des conjonctures économiques (OFCE).  

On le voit les marchés financiers envoient des signaux pour le moins contradictoires. Mais une chose est sûre : la France, en tant qu’entité, est loin d’être en faillite. Car à bien y regarder, l’endettement de la France vis-à-vis du reste du monde, sans doute le plus pertinent des indicateurs financiers et pourtant le moins mis en avant est loin, très loin d’être insupportable. Tant par rapport à sa richesse produite annuellement (le PIB) que par rapport au patrimoine présent sur son territoire. 

Au 31 décembre 2009, dernier chiffre connu, la position nette de la France pointait à -238 milliards d’euros, selon les chiffres de la Banque de France. Cette position résulte de la différence entre, d’une part, les 4 643 milliards d’euros que détient l’ensemble des résidents français, ménages, entreprises, et administrations publiques sur le reste du monde et d’autre part, les 4 881 milliards d’euros que ces mêmes résidents doivent au reste du monde. On comprend que, dans dette perspective, sont exclues les dettes et créances que les résidents français détiennent les uns sur les autres. 
Il s’agit bien ici de mesurer la situation de la maison France vis-à-vis de l’ensemble des ménages, entreprises et états de la planète moins ceux présents dans l’hexagone. Bref de savoir si la dette contractée en France est une histoire de famille ou pas. 

En 15 ans, cette dette nette a certes été multipliée par 5 en valeur. Mais rapportée au PIB, autrement dit la richesse dégagée chaque année par la France, elle ne représente que 12 points de PIB aujourd’hui, contre 3,6 points quinze ans auparavant. En 1995, il fallait donc 13 jours de travail à l’ensemble des acteurs de l’hexagone contre 44 jours fin 2009 pour liquider notre position nette.  
Voilà qui relativise très certainement l’immense endettement de la France. 

Mais allons plus loin. Que nous dit l’analyse classique actif/passif, ici dette sur patrimoine. Si l’on rapporte cette dette extérieure au 12 115 milliards d’euros de patrimoine net, tel que le mesure l’Insee sous le doux nom de «patrimoine économique national» net, la situation est loin d’être alarmante. Le ratio dette extérieure nette sur patrimoine national net culmine alors à un petit 2 %..... 
Cette comparaison au PIB que privilégient les commentateurs et certains acteurs de la finance, peut donc s’avérer limitée. On compare la dette qui est une accumulation des déficits passés, ce que les économistes appellent un stock, avec le PIB, donc un revenu qui lui est un flux.  
Les mêmes qui comparent la France à une entreprise ou à un ménage pour le plus souvent décrire une situation de faillite, aurait du mal a décrire autrement une belle entreprise en pleine forme comme Bouygues.  

En attendant, dans la comparaison internationale, la France pour l’heure tient la route. Enfin du moins la tenait. Les 12% de PIB d’endettement exterieur net de l’hexagonese compare avantageusement au 23% de la dette nette américaine. Et encore, cette performance de l’Oncle Sam provient de l’immense avantage que confère le roi dollar. En effet, une part importante de ses actifs exterieurs sont en devise étrangére (une action du Cac40 par exemple est libélée en euro) et son passif en billet vert. Il suffit donc de faire baisser le dollar pour que la valeur de ses actifs grimpent mécaniquement, tandis que son passif reste en monnaie nationale. Elle est pas belle la vie ? Voilà pourquoi, alors que le pays a emprunté près de 4500 milliards de dollars depuis 2002, sa dette extérieure nette n’a progressé, elle, que de 850 milliards de dollars, ainsi que le note l’économiste suisse Cédric Tille. 

Autre exemple significatif, le Japon. L’archipel est le pays industrialisé qui affiche le ratio de dette public rapporté au PIB parmi le plus élevé des pays de l’OCDE: 193 %. Mais la dette extérieure est de 2 100 milliards dollars (moins de la moitié de celle de la France pour une économie 2,3 fois plus importante en termes de PIB), ses créances sur le reste du monde, 2 510 milliards de dollars la couvent très largement. De sorte que et c’est une tradition japonaise, l’essentiel de la dette est portée par les 127 millions de japonais. Bref, au japon, quand on parle de dette publique, on peut parler de dette détenue par le public. Et du coup on peut laver son linge sale en famille…. 
Quant à la Russie, elle a, tout comme l’Algérie, profité de la hausse vertigineuse des hydrocarbures pour liquider leur impressionnante dette extérieure contractée dans les années 90 et qui lui a beaucoup coûté sur le plan diplomatique… 
Car qui dit importante dette extérieure dit forte dependance. 

QUI POSSÈDE LA DETTE DE LA FRANCE?
Mais alors qui détient la dette de la France ? 

Depuis le passage de Jean-Claude Trichet au Trèsor, la ligne de conduite de cette puissante direction de Bercy n’a pas évoluée. L’internationalisation de la dette française constitue même un but en soi. A l’époque, on a même vu le futur patron de la BCE vendre le papier français (la dette) aux investisseurs internationaux lors de « road show » qui n’avaient rien à envier à ceux des grands patrons, avec jet et tout le tintouin.  
Encore récemment interrogé sur ce point, « qui sont les créanciers de la France » par Laure de La Rondière, député UMP de l’Eure, le ministère de l’économie sort son bréviaire et récite :  

« Un niveau de détention élevé de la dette française par des non-résidents ne doit pas être considéré comme un handicap pour l'économie française : outre le signal de confiance dont il témoigne de la part de la communauté des investisseurs sur la qualité du crédit de la France et sur l'économie française, elle accroît la sécurité de la gestion de la dette. (…)  
Enfin, une plus grande sollicitation de l'épargne nationale pour le placement de la dette de l'État engendrerait de manière certaine un effet d'éviction important au détriment de l'investissement privé qui bénéficie actuellement des placements monétaires et obligataires (livrets réglementés, assurance vie...). » 

L’argument économique est mis en avant. Alors que l’Etat voyait son déficit croître l’appel à une épargne étrangère, par nature plus large devait à la fois réduire le coût du crédit et orienter l’épargne nationale vers d’autres investissements idéalement les PME, plus certainement l’assurance vie ou encore les actions. Bref, les économies des Français doivent prendre la direction de la bourse. Car ce choix est également politique. Ce n’est pas seulement, les Français et les entreprises qui doivent prendre le chemin des marchés, mais aussi l’Etat. 
Est donc franchie au début des années 90, une marche supplémentaire vers la libéralisation du crédit en France, initié par Pierre Beregovoy le ministre des finances du tournant de la rigueur de 1984. Aidé de Jean Charles Naouri, son directeur de cabinet, il met en place l’infrastructure réglementaire sur laquelle va prospérer la place financière de Paris : c’est le grand basculement de la France dans l’économie de marché. A cette construction échappait encore partiellement la dette de l’Etat. L’internationalisation de celle-ci achève le processus, et place dès lors l’Etat emprunteur face « aux marchés » et non plus face aux banques domestiques avec lesquelles le rapport de force peut conduire jusqu’à la nationalisation. 

125 MILLIARDS D'EUROS DANS LES COFFRES DES PAYS HORS DE LA ZONE EURO

On l’a vu quinze après le règne de Jean-Claude Trichet au Trésor, la part de la dette détenue par les étrangers est passée de 3,8 % à 12 %. Pour ce qui est de la dette de l’Etat, le ratio est encore plus important. Selon le sondage « coordinated portfolio investment  survey » mené par le FMI, fin 2009, 68% de la dette d’Etat française était entre les mains d’investisseurs non résidents. 
Parmi eux, près de la moitié (47,5 %) étaient des investisseurs de la zone euros, bref des partenaires avec qui nous partageons la même monnaie et un bout de destin commun. Résultat, 36 % de la dette de l’Etat était détenue par des investisseurs hors zone euros : soit 540 milliards d’euros, soit un quart du patrimoine des administrations publiques, comme mesurées par l’Insee…  
Par extension, si l’on appliquait la détention par des étrangers hors zone euro à la dette nette de la France, on tomberait mécaniquement sur un chiffre de 125 milliards d’euros… 
Les ménages français figurent parmi les plus portés sur l’épargne. Ils épargnent en moyenne longue près de 16% de leurs revenus. Ce chiffre représente donc qu’un peu moins d’une année de leur épargne. 
La renationalisation de la dette est donc à portée de main.  

"Et pendant ce temps-là, on nous demande de consommer avec de l'argent que nous n'avons plus" - Ghil.INSANE

Survie de WikiLeaks

vendredi 10 décembre 2010, 08:16

Pourquoi Besson aura du mal à expulser WikiLeaks de France Par François Krug, Eco89 Le site WikiLeaks a trouvé refuge sur les serveurs d'une société française. Casse-tête juridique pour le gouvernement.

Ce vendredi, WikiLeaks nous a indirectement offert une nouvelle révélation : il existerait en France une institution méconnue, le Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET), rattachée à Bercy. Le ministre de l'Industrie mais aussi de l'Economie numérique a chargé cet organisme de réfléchir sur la légalité de l'hébergement de WikiLeaks en France. Besson ne veut pas de « sites qualifiés de criminels »

Dans sa lettre au CGIET, révélée par LePost.fr, Eric Besson explique : « La France ne peut héberger des sites internet qui violent ainsi le secret des relations diplomatiques et mettent en danger des personnes protégées par le secret diplomatique. Elle ne peut héberger les sites internet qualifiés de criminels et rejetés par d'autres Etats en raison des atteintes qu'ils portent à leurs droits fondamentaux. Je vous demande de bien vouloir m'indiquer dans les meilleurs délais possibles quelles actions peuvent êtres entreprises afin que ce site Internet ne soit plus hébergé en France et que tous les opérateurs ayant participé à son hébergement puissent être dans un premier temps sensibilisés aux conséquences de leurs actes, et dans un deuxième temps placés devant leurs responsabilités. »

Le site de WikiLeaks a en effet beaucoup voyagé ces derniers jours : après avoir été hébergé puis chassé des serveurs d'Amazon aux Etats-Unis, il a trouvé refuge chez l'hébergeur suédois Bahnhof mais aussi chez le Français OVH, comme l'a révélé ZDNet.fr. Les documents de WikiLeaks hébergés à Roubaix La société OVH, installée à Roubaix, a-t-elle le droit d'héberger WikiLeaks et ses milliers de documents confidentiels ?

A lire son courrier, Eric Besson s'est déjà fait une opinion sur la question, mais il préfère que celle-ci soit confirmée par des experts. Le ministre de l'Industrie a raison d'être prudent. En France, les hébergeurs bénéficient d'un statut relativement protecteur. Selon l'article 6 de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), datant de 2004, un hébergeur n'est pas responsable de la mise en ligne par ses clients de contenus illicites : le premier responsable est d'abord l'auteur de ces contenus ou celui qui les a mis en ligne.

En l'occurrence, donc, WikiLeaks. OVH pourra être poursuivi s'il ne respecte pas l'obligation prévue par la LCEN : une fois alerté qu'il stocke des contenus illicites, un hébergeur doit agir « promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ». Encore faut-il savoir si les contenus en question sont, ou non, illicites. Images pédophiles, appels au terrorisme, textes racistes, atteintes au droit d'auteur avec des films ou des disques piratés : dans ces cas-là, les contenus sont manifestement illicites, et l'hébergeur n'a pas d'autre choix que de les retirer. Protéger les intérêts de l'Etat ou la liberté d'expression ? Et lorsqu'il s'agit de « câbles » diplomatiques américains ? Sur ce point, le droit français reste muet.

Cédric Manara, professeur à l'Edhec, spécialiste du droit sur Internet et blogueur, explique : « Là, on est face à un problème. D'un côté, il y a la question de la protection des intérêts de l'Etat et des relations diplomatiques. De l'autre côté, il y a la liberté d'expression et d'accès à l'information. […] On touche aux libertés, et seul un juge judiciaire peut prendre des mesures privatives de liberté. » C'est justement l'avis d'OVH, qui a habilement décidé de prendre les devants.

Sans attendre les résultats de la réflexion commandée aux experts par Eric Besson, l'hébergeur annonce qu'il a saisi le juge des référés pour y voir clair. Dans un communiqué envoyé aux médias ce vendredi, le directeur général d'OVH, Octave Klaba, affirme que « l'histoire est banale et quotidienne » : « Le système est totalement automatique et fonctionne 24 heures sur 24. Nous avons découvert comme vous tous que [WikiLeaks] est chez nous hier… dans la presse. OVH n'est ni pour, ni contre ce site. La question est hors sujet pour nous. OVH est une entreprise qui fournit les infrastructures […], et notre rôle est d'assurer cette prestation technique. C'est tout. On n'a pas demandé d'héberger ce site ou ne pas l'héberger. Maintenant qu'il est chez nous on assure le contrat. […] Ce n'est pas au monde politique ni à OVH de demander ou de décider la fermeture ou pas d'un site mais à la justice. C'est comme que ça doit marcher dans un pays de droit. » Le juge des référés devra trancher rapidement, en attendant un jugement sur le fond. Devant la complexité du dossier, il pourrait se raccrocher à « une notion un peu attrape-tout », explique Cédric Manara : celle du trouble à l'ordre public, en l'occurrence le scandale provoqué par les documents révélés par WikiLeaks et le risque de désordre dans les relations internationales. WikiLeaks serait seulement « sous-hébergé » en France Un petit détail pourrait compliquer un peu plus le travail du juge : WikiLeaks n'est pas hébergé directement par OVH, mais par un client d'OVH. Et l'hébergeur de Roubaix est décidé à faire valoir cet argument du « sous-hébergement » pour sa défense.

Dans son communiqué, le directeur général d'OVH explique : « Il s'agit d'un client qui a commandé un serveur dédié. […] Sa facture payée par CB s'élève à moins de 150 euros. Et donc il héberge le site WikiLeaks. Juridiquement parlant, OVH n'est pas l'hébergeur de ce site. OVH est juste le prestataire technique de la solution technique que le client a commandée. » Une façon de se dédouaner ? Peut-être, mais ça peut marcher.

Et OVH est bien placé pour le savoir : en matière de « sous-hébergement », c'est un arrêt le concernant qui fait jurisprudence à ce jour. Le 11 décembre 2009, la cour d'appel de Paris a donné raison à OVH contre Jean-Yves Lafesse. Des sketches piratés de l'humoriste étaient accessibles sur un site « sous-hébergé » par un client d'OVH. Comme l'y obligeait la loi, OVH avait « promptement » signalé à son client ces contenus illicites : il avait donc rempli ses obligations légales, selon la cour d'appel. Illustration en page d'accueil : capture d'écran de la lettre d'Eric Besson au CGIET. Le 03 décembre 2010

Saint pognon... Que de magouilles en ton nom

mercredi 27 octobre 2010, 20:02

UNION EUROPÉENNE
Pendant ce temps, les multinationales continuent leur lobbying intensif
PAR AGNÈS ROUSSEAUX (22 OCTOBRE 2010) Blocage de toute réglementation de la spéculation, chantage à la délocalisation pour continuer de polluer allègrement, conflits d’intérêt...

Pendant que les gouvernements européens restent sourds aux revendications des salariés, les grands groupes de pression sont à la manœuvre pour préserver leurs intérêts privés. Quatre ONG proposent un prix « du pire lobbying ». « Exposer et contrecarrer les pratiques douteuses des groupes de pression dans le domaine du changement climatique et des réglementations financières ».

C’est l’objectif que se sont données quatre ONG [1], en organisant le prix du pire lobbying de l’Union européenne. Parmi les nominés : la Banque royale d’Ecosse, propriété de l’Etat britannique, qui malgré un lobbying intensif, n’a pas déclaré ses activités dans le registre des lobbies de la Commission européenne.

En 2010, elle a également embauché comme conseiller Günter Verheugen, ex-commissaire européen aux entreprises et à l’industrie (de 2004 à 2010), au mépris de toutes les règles européennes concernant les conflits d’intérêt.

Armes financières de destruction massive
Autres nominés de la catégorie « Finance » : Goldman Sachs, en raison d’un « lobbying agressif » pour défendre leurs « armes financières de destruction massive ». Et les sociétés de fonds de couverture et de fonds d’investissement AIMA (Association des gestionnaires d’investissement alternatif) et EVCA (Association européenne des investisseurs en capital risque), pour leur action de lobbying visant à bloquer les règlementations sur la spéculation.

Dans la catégorie « Climat », le premier nominé est le groupe sidérurgiste ArcelorMittal, plus gros émetteur de CO2 sur le sol français. L’entreprise a bénéficié en 2008-2009 de plus de 50 millions de crédits carbone européens en excédent, reçus gratuitement. Ces crédits, qu’elle peut revendre plus d’un milliard d’euros [2], lui éviteront également d’avoir à réduire ses émissions dans les prochaines années. Ce qui n’a pas empêché ArcelorMittal de porter plainte contre le Parlement et le Conseil européen pour pertes financières liées au système d’échange de quotas d’émissions. Elle a été déboutée par la Cour européenne. Arcelor continue pourtant son lobbying intensif pour s’assurer des permis de polluer gratuits. Son principal argument : un système plus contraignant obligerait à des délocalisations massives des industries sidérurgiques hors d’Europe. On appelle cela du chantage.

Les présentations détaillées des nominés sont sur le site du prix du pire lobbying de l’Union européenne. Les votes sont ouverts, dans les catégories Climat et Finance, jusqu’au 25 novembre.

Notes
[1] Corporate Europe Observatory (Observatoire de l’Europe Industrielle), Friends of the Earth Europe (Amis de la Terre Europe), LobbyControl et Spinwatch
[2] Une étude de l’ONG Sandbag montre que le champion de l’acier peut en tirer plus d’un milliard d’euros de bénéfices d’ici 2012 du système d’échange de quotas mis en place dans l’Union européenne.