Par Marielle CourtLe Figaro, publié
Dans les procédures d'agrément de mise sur le marché d'une molécule active, il faut notamment analyser sa toxicité sur une dizaine d'organismes vivants. Crédits photo : PHILIPPE HUGUEN/AFP
Les vers de terre utilisés pour tester leur toxicité ne vivent pas dans les sols cultivés.
Évaluer les risques liés aux pesticides, notamment sur la biodiversité, c'est bien. Le faire avec les espèces concernées, c'est mieux. Dans une étude publiée par la revue Chemosphere, Céline Pelosi*, chercheuse au laboratoire d'écotoxicologie du sol de l'Inra, montre que l'espèce de vers de terre Eisenia fetida, qui sert de cobaye pour les tests d'homologation des pesticides, est plus résistante aux pesticides que deux autres espèces qui se trouvent pourtant communément dans les sols cultivés: Aporrectodea caliginsa etLumbricus terrestris. L'espèce actuellement utilisée pour les tests d'homologation n'est en fait pas présente dans ces sols. «On les trouve plutôt dans des matières organiques telles que le fumier ou le compost», poursuit la chercheuse.
Dans les procédures d'agrément de mise sur le marché d'une molécule active, il faut notamment analyser sa toxicité sur une dizaine d'organismes vivants: mammifères, oiseaux, poissons, invertébrés aquatiques, algues, abeilles, plantes… Mais aussi des vers de terre. «Pour ces derniers, les normes utilisées ont été mises en place dans les années 1980», rappelle Céline Pelosi. À l'époque, il est vraisemblable que les vers de terre ont été choisis parce qu'il était aisé de les élever en laboratoire et qu'ils ont un temps de reproduction très court.
Pour effectuer leur travail, les chercheurs de l'Inra ont épluché 1800 publications scientifiques et en ont retenu 15: «Celles que l'on pouvait scientifiquement comparer en raison de leur similitude quant à la façon de travailler (durée de l'étude, sol utilisé, type de boîte…)». C'est ainsi, grâce à ces méta-analyses, qu'ils ont pu mettre en évidence le fait que deux espèces de vers de terre présentes dans les sols étaient en fait beaucoup plus sensibles que celle servant pour les tests de laboratoire. «On s'est ainsi rendu compte que Aporrectodea caliginosa était 3,5 fois plus sensible aux pesticides que Eisenia fetida, et que Lumbricus terrestris l'était 2,5 fois plus», raconte encore Céline Pelosi. Autrement dit, il faut une dose beaucoup plus faible de pesticide pour éliminer autant d'individus de ces deux espèces.
En cas de problème, toutefois, les études de laboratoire peuvent être complétées par d'autres sur d'autres espèces et par des études conduites en plein champ. Il n'empêche, rappelle Céline Pelosi, «il serait plus pertinent d'utiliser A. caliginosa, dont l'élevage est par ailleurs relativement facile», sans oublier que ce travail mené par l'Inra pourrait être appliqué aux autres organismes testés pour l'homologation des pesticides. On ne serait pas forcément à l'abri de surprises!
* Avec Sophie Joimel, de l'École nationale supérieure d'agronomie et des industries alimentaires (ENsaia) de Nancy, et David Makowski, Inra Versailles-Grignon.
Dans les procédures d'agrément de mise sur le marché d'une molécule active, il faut notamment analyser sa toxicité sur une dizaine d'organismes vivants: mammifères, oiseaux, poissons, invertébrés aquatiques, algues, abeilles, plantes… Mais aussi des vers de terre. «Pour ces derniers, les normes utilisées ont été mises en place dans les années 1980», rappelle Céline Pelosi. À l'époque, il est vraisemblable que les vers de terre ont été choisis parce qu'il était aisé de les élever en laboratoire et qu'ils ont un temps de reproduction très court.
Pour effectuer leur travail, les chercheurs de l'Inra ont épluché 1800 publications scientifiques et en ont retenu 15: «Celles que l'on pouvait scientifiquement comparer en raison de leur similitude quant à la façon de travailler (durée de l'étude, sol utilisé, type de boîte…)». C'est ainsi, grâce à ces méta-analyses, qu'ils ont pu mettre en évidence le fait que deux espèces de vers de terre présentes dans les sols étaient en fait beaucoup plus sensibles que celle servant pour les tests de laboratoire. «On s'est ainsi rendu compte que Aporrectodea caliginosa était 3,5 fois plus sensible aux pesticides que Eisenia fetida, et que Lumbricus terrestris l'était 2,5 fois plus», raconte encore Céline Pelosi. Autrement dit, il faut une dose beaucoup plus faible de pesticide pour éliminer autant d'individus de ces deux espèces.
Études en plein champ
«À la lumière de ces résultats, il faudrait peut-être reconsidérer le choix d'E. fetida pour la réalisation des tests d'homologation», suggère l'Inra. «On sait que E. fetida n'est pas le plus sensible, reconnaît Véronique Poulsen, en charge de l'unité d'évaluation écotoxicologique à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation et environnementale (Anses), qui délivre des avis au ministère de l'Agriculture les autorisations pour la France. Mais on apporte des correctifs pour prendre en compte le fait que ce n'est pas l'espèce la plus sensible, en l'occurrence un facteur de 10 pour les vers de terre.» Les critères qui permettent de retenir une espèce plutôt qu'une autre sont également liés au fait que les résultats obtenus par plusieurs laboratoires dans différents pays doivent aboutir à des résultats identiques: «On pourrait travailler sur des espèces prélevées sur le terrain, ajoute la scientifique, mais on serait alors confronté aux différences inhérentes entre les régions mais aussi à des différences génétiques.»En cas de problème, toutefois, les études de laboratoire peuvent être complétées par d'autres sur d'autres espèces et par des études conduites en plein champ. Il n'empêche, rappelle Céline Pelosi, «il serait plus pertinent d'utiliser A. caliginosa, dont l'élevage est par ailleurs relativement facile», sans oublier que ce travail mené par l'Inra pourrait être appliqué aux autres organismes testés pour l'homologation des pesticides. On ne serait pas forcément à l'abri de surprises!
* Avec Sophie Joimel, de l'École nationale supérieure d'agronomie et des industries alimentaires (ENsaia) de Nancy, et David Makowski, Inra Versailles-Grignon.
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