Les intox d'Hollande face à Pujadas


HollandeAccord de compétitivité, TVA, croissance. L'intervention du Président a été émaillée hier de quelques approximations ou contre-vérités...
1) L'accord de compétitivité de Renault et le salaire de Carlos Ghosn

« Il y a un exemple qui nous a été donné, l'accord qui a été passé par Renault pour garder ses sites en France et faire qu'il y ait plus d'emplois en France. Qu'est-ce qu'on a demandé au président de Renault ? De diminuer sa rémunération, c'est le même esprit »
Le gouvernement a décidé d'ériger en modèle l'accord signé entre la direction du constructeur français et ses syndicats... La rubrique Désintox s'était déjà penchée sur la mauvaise foi d'Arnaud Montebourg dans sa manière d'enjoliver cet accord, signé mi-mars. Hier, François Hollande a de nouveau mis quelques guirlandes superlflues à propos du contenu du pacte. «Il y a un exemple qui nous a été donné, l'accord qui a été passé par Renault pour garder ses sites en France et faire qu'il y ait plus d'emplois en France. Qu'est-ce qu'on a demandé au président de Renault ? De diminuer sa rémunération, c'est le même esprit.» En une phrase, deux intox se sont cachées.
Primo, si l'accord de compétitivité prévoit effectivement en échange de sacrifices des salariés (augmentation du temps de travail, austérité salariale et mutations forcées) le maintien des sites français et une hausse de la production des véhicules au losange sur le territoire, les salariés de Renault ont dû s'étrangler en entendant le Président affirmer qu'il prévoyait davantage d'emplois... puisqu'il se base au contraire sur la suppression de 7 500 postes.
L'autre intox d'Hollande concerne le salaire de Carlos Ghosn. François Hollande y voit un exemple de l'esprit de la nouvelle mouture de la taxe à  75% détaillée hier, consistant à faire payer à l'entreprise une contribution sur les salaires supérieurs à un million d'euros. C'est en fait un assez mauvais exemple.
Dans le cadre de l'accord de compétitivité, Carlos Goshn a effectivement annoncé que la part variable de son salaire sera amputée de 30% pendant trois ans. Soit une baisse de 400 000 euros par an somme toute modique au regard des émoluments du patron le mieux payé de France (en 2011, il a touché 12,8 millions d’euros : 2,9 millions chez Renault et 9,9 millions comme PDG de Nissan).
Mais surtout, la baisse du variable n'implique pas un renoncement de Ghosn... puisque celui ci pourra récupérera la somme non perçue après trois ans, comme il l'a expliqué lui même cette semaine : «Je lierai 30% de cette rémunération variable au fait que Renault honore tous ses engagements dans l’accord».
Bref, Ghosn a seulement changé les conditions d'attribution de son salaire variable... sans modifier le montant de celui-ci.
Hollande aurait pu prendre modèle sur des patrons qui pour le coup ont réellement renoncé à leur bonus. C'est le cas par exemple à Air France (dont le patron Alexandre de Juniac a renoncé à 50% de son bonus) ou chez PSA (Philippe Varin ayant renoncé lui à la totalité de son bonus).
2) Les prévisions de croissance
«Quand je suis arrivé aux responsabilités de la France, les prévisions de la Commission européenne, de tous les instituts, pour l'année 2013, c'était 1,2 %. Moi-même, j'ai considéré que cette prévision n'était pas réaliste. J'ai déjà corrigé au mois de septembre, en disant on ne fera pas 1,2 %, on ne fera que 0,8 au mieux»
L'exécutif a finalement acté que l'équation d'un déficit ramené à 3% serait intenable, étant donné la croissance... François Hollande s'est défendu hier de tout optimisme depuis son arrivée au pouvoir, affirmant que ses prévisions à son arrivée au pouvoir pour l'année 2013 n'outrepassaient pas celles des conjoncturistes.  «Quand je suis arrivé aux responsabilités de la France, les prévisions de la Commission européenne, de tous les instituts, pour l'année 2013, c'était 1,2 %. Moi-même, j'ai considéré que cette prévision n'était pas réaliste. J'ai déjà corrigé au mois de septembre, en disant on ne fera pas 1,2 %, on ne fera que 0,8 au mieux»
En clair : nous étions fondés à nous engager sur un déficit de 3%.
Un regard retrospectif montre en réalité que l'exécutif français a quasiment toujours été plus optimistes que les conjoncturistes... et que ce décallage n'a fait que s'accroître au fil des mois.
Quand François Hollande arrive au pouvoir, son programme de campagne prévoit non pas 1,2% de croissance pour 2013 comme il le dit, mais 1,7%, puis 2% en 2014,  2,5% en 2015, 2016 et 2017. Un scenario assez proche de celui sur lequel Nicolas Sarkozy appuyait son propre programme : 1,75% en 2013, puis 2% en 2014, 2015, 2016 et 2017.
Les projections de campagne des candidats étaient, pour l'année 2013, à peine supérieures à celles qu'avait livrées la commission européenne lors de ses prévisions d'automne 2011 (1,4%), mais déjà bien supérieures, contrairement à ce qu'affirme Hollande, aux prévisions d'autres instituts. En janvier 2012, le FMI, par exemple, prévoit déjà seulement 1% de croissance pour l'Hexagone en 2013.
Le 11 mai, soit une petite semaine après l'accession de Hollande au pouvoir, la Commission abaisse légèrement sa prévision à 1,3%. 
C'est en juillet que la France corrige pour la première la prévision initiale de Hollande de 1,7%, la faisant passer à 1,2%... En septembre, elle est à nouveau revue à la baisse à 0,8%.
Mais cette double baisse en deux mois ne réduit pas  le décalage entre les attentes de la France et les prévisions des instituts... qui ne fera que s'accroître.
Dès août, le consensus forecast, qui compile 24 estimations d'instituts privés ou publics, prévoit  0,5% de croissance pour 2013 (contre 0,7% attendus dans les prévisions de juillet).
En septembre, le même consensus forecast abaisse sa prévision à 0,4%.
Les 18 instituts membres du groupe technique de la Commission économique de la Nation, tablent eux, en moyenne, sur une croissance de 0,3 %.
Le FMI semble d'accord, qui le 9 octobre 2012,  prévoit également que la croissance française sera de 0,4%, soit deux fois moins que ce qu'attend le gouvernement.  
Quelques jours plus tard,  le consensus forecast baisse à nouveau la croissance française à 0,3%.
Le 18 octobre, l'OFCE vise une croissance nulle de la France. 
Trois semaines plus tard, le 7 novembre, c'est la commission européenne qui se met au diapason du FMI, en prévoyant elle aussi 0,4% de croissance. 
Et à la fin du mois de novembre, l'OCDE baisse à son tour les prévisions hexagonales, tablant sur 0,3% pour 2013.
Bref, en octobre et novembre, au moment où se prépare le budget de la France qui vise une réduction du déficit à 3% pour 2013, la grande majorité des conjoncturistes, incluant le FMI, la Commission européenne ou l'OCDE s'accordait sur le fait que le scenario de croissance retenu par Bercy était très optimiste.
Et il faudra attendre seulement février 2013 pour que la France annonce que la prévision de croissance de 0,8% ne serait pas tenue, avant d'affirmer dans la foulée que l'objectif de réduction du déficit à 3% ne le serait pas non plus.
3) La hausse-baisse de la TVA
«J'ai annoncé depuis la fin du mois de décembre dernier qu'il y aurait une augmentation de la TVA en 2014 pour financer le pacte de compétitivité, la baisse donc de 20 milliards sur la masse salariale des entreprises pour leur permettre d'embaucher. Ces 20 milliards, je dois trouver à les financer, donc j'ai dit une partie en économies, une autre ça sera une augmentation de la TVA au taux supérieur et intermédiaire, et une baisse de la TVA sur le taux réduit, pour que le pouvoir d'achat des Français ne soit pas affecté... trop.»
C'était le gros défi de com' de l'automne pour l'exécutif : après avoir torpillé la TVA sociale de Nicolas Sarkozy, le gouvernement annonçait que pour financer les 20 milliards du «pacte de compétitivité», il modifierait... les différents taux de TVA. Pour faire passer la pilule de cette apparente contradiction, l'exécutif s'est immédiatement défendu en évoquant une modulation des taux plus juste que celle prévue par Nicolas Sarkozy : il est ainsi prévu que le taux normal passe le 1er janvier 2014 de 19,6% à 20% ; le taux intermédiaire augmentera de 7% à 10% ; enfin, seul le taux réduit baissera, de 5,5% à 5%. Ce dernier concerne les produits dits de première nécessite : la nourriture, l'abonnement au gaz et à l'électricité, la cantine scolaire, les livres, etc.
D'où une intox beaucoup entendue il y a quelques mois : en baissant ce taux, l'Etat pense aux foyers les plus modestes, dont le budget est davantage concerné par ce taux de TVA réduit que les deux autres. Une vision biaisée puisque le taux normal de TVA concerne l'immense majorité des biens de consommation courante : vêtements,  consommation de gaz et d'électricité (seul l'abonnement est à taux réduit), produits d'entretien et d'hygiène, essence, tabac, CD, DVD, ... Des produits que tous les ménages consomment, y compris les moins aisés. 
François Hollande s'est permis de réinterpréter cette intox hier en affirmant que la baisse de la TVA à taux réduit allait faire en sorte que«le pouvoir d'achat des Français ne soit pas affecté», avant de rajouter en forme d'aveu, après une seconde de blanc, «trop». Car l'Etat s'attend à gagner plus de 5 milliards d'euros par an en tripatouillant ainsi les différents taux de TVA. Le relèvement du taux normal devrait rapporter environ trois milliards, celui du taux intermédiaire un peu plus encore ; quant à la baisse du taux réduit, elle représente elle moins d'un milliard de recettes en moins. De l'argent directement ponctionné sur le pouvoir d'achat des Français.
Article paru sur http://desintox.blogs.liberation.fr/blog

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