Fondation Copernic - le
Par Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Pierre Khalfa, Jacques Rigaudiat, pour la Fondation Copernic
La France souffrirait d'un déficit de compétitivité justifiant un "choc de compétitivité", basé, selon le patronat, sur un transfert massif des cotisations sociales sur les ménages par le biais d'une augmentation de la CSG et/ou de la TVA et d'une réduction des dépenses publiques.
Dans cette perspective, les résultats du commerce extérieur sont vus sans que jamais la stratégie des firmes dans la mondialisation ne soit évoquée. Or, les firmes allemandes utilisent systématiquement la sous-traitance internationale et achèvent l'assemblage en Allemagne. Une part importante des exportations allemandes correspond à du simple réexport du produit fini. De plus, l'utilisation des prix de transfert entre sociétés membres d'un même groupe permet delocaliser le bénéfice final dans un pays à fiscalité avantageuse, voire dans un paradis fiscal. Un tiers des échanges de la France correspond à un commerce entre filiales d'un même groupe. Les statistiques des exportations nationales s'en trouvent largement biaisées. Ainsi, plus de la moitié du déficit commercial de la France vis-à-vis de l'Allemagne (10 milliards d'euros) serait due à une manipulation des prix de transferts.
Certes, la compétitivité hors-prix, c'est-à-dire liée à la qualité des produits, leur degré d'innovation technologique... n'est pas ignorée : choix discutables de positionnement de certaines entreprises, niveau insuffisant de la R&D, pratiques abusives des donneurs d'ordre envers les sous-traitants, difficultés des PME pour avoir accès au crédit bancaire. S'y rajoute une forte sensibilité des exportations françaises au taux de change de l'euro – qui s'est réévalué de 78 % par rapport au dollar entre janvier 2002 et avril 2008 –, due au niveau moyen de gamme des produits plus sensibles aux variations de prix.
Pourtant, le débat public se concentre sur le coût du travail alors même que les données de référence d'Eurostat posent problème. Le poids de la formation professionnelle affecte de façon différenciée suivant les pays le calcul de la masse salariale et, pour la France, la durée du travail est sous-estimée. Globalement, on constate cependant une tendance à la convergence des coûts salariaux unitaires (tenant compte de la productivité) dans la zone euro – le coût unitaire français baisse en moyenne de 0,5 % par an de 1996 à 2008 – avec une baisse dans l'industrie et une hausse dans les services. L'affirmation selon laquelle une dérive du coût du travail aurait plombé la compétitivité des entreprises françaises est donc démentie.
Mais surtout, en mettant en avant le coût du travail, "le coût du capital" est escamoté. Or, les revenus nets distribués, qui représentaient 5,6 % de la valeur ajoutée brute des sociétés non financières en 1999, se montent aujourd'hui à 9 %, niveau record depuis la seconde guerre mondiale. La part dévolue aux actionnaires a crû dans des proportions considérables ces douze dernières années. Ainsi, la complainte patronale faisant de la baisse du taux de marge la raison profonde des faibles investissements et du moindre effort en matière de R&D, passe sous silence le fait que, crise ou pas crise, la part de plus en plus lourde que les entreprises distribuent aux propriétaires du capital affaiblit leur capacité à faire face à tous les aspects de la compétitivité.
Comprimer la masse salariale pour gagner des parts de marché à l'export, tel est l'impératif catégorique que l'on veut nous imposer. Mais l'essentiel des relations commerciales des pays de l'Union européenne a lieu à l'intérieur de l'Union. Les clients des uns sont les fournisseurs des autres et les déficits des uns font les excédents commerciaux des autres. Vouloir que tous les pays copient le modèle allemand et se transforment en exportateurs nets est impossible. La contraction de la demande interne dans tous les pays, produite par la réduction des coûts salariaux et les coupes dans les dépenses publiques, pèse sur le commerce extérieur de tous. Où exporter lorsque tous les pays réduisent leur demande ? La baisse de la demande interne ne peut qu'entraîner une réduction des exportations et aboutir à une récession généralisée. C'est la situation actuelle en Europe qui voit même l'Allemagne touchée aujourd'hui par la contraction économique.
La compétitivité est une voie sans issue, économiquement absurde et socialement régressive. N'oublions pas qu'un des précédents "chocs de compétitivité" est celui infligé à l'économie française par Pierre Laval en 1935. On ne sortira pas de la crise actuelle en prolongeant le modèle économique qui y a conduit. C'est un autre modèle de développement qu'il faut promouvoir : en finiravec la logique même de la compétitivité qui, basée sur la concurrence de tous contre tous, aboutit à un état de guerre économique permanent appauvrissant les populations et détruisant les équilibres écologiques. Ce nouveau modèle de développement doit être fondé sur les principes de la coopération, de la rupture avec un consumérisme destructeur, de la réponse aux besoins sociaux, de la réduction des inégalités et de l'ouverture d'une transition écologique.
Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Pierre Khalfa, Jacques Rigaudiat, pour la Fondation Copernic
Nota du Bloggeur : Et dire que la France et L'Angleterre furent les princes fondateur des fidéicommis, ancêtres des paradis fiscaux et que l'on en retire rien à ce jour, hormis bien sur les rois du CAC 40 et du FTSE 100 et autres laquais !
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Par Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Pierre Khalfa, Jacques Rigaudiat, pour la Fondation CopernicLa France souffrirait d'un déficit de compétitivité justifiant un "choc de compétitivité", basé, selon le patronat, sur un transfert massif des cotisations sociales sur les ménages par le biais d'une augmentation de la CSG et/ou de la TVA et d'une réduction des dépenses publiques.
Dans cette perspective, les résultats du commerce extérieur sont vus sans que jamais la stratégie des firmes dans la mondialisation ne soit évoquée. Or, les firmes allemandes utilisent systématiquement la sous-traitance internationale et achèvent l'assemblage en Allemagne. Une part importante des exportations allemandes correspond à du simple réexport du produit fini. De plus, l'utilisation des prix de transfert entre sociétés membres d'un même groupe permet delocaliser le bénéfice final dans un pays à fiscalité avantageuse, voire dans un paradis fiscal. Un tiers des échanges de la France correspond à un commerce entre filiales d'un même groupe. Les statistiques des exportations nationales s'en trouvent largement biaisées. Ainsi, plus de la moitié du déficit commercial de la France vis-à-vis de l'Allemagne (10 milliards d'euros) serait due à une manipulation des prix de transferts.
Certes, la compétitivité hors-prix, c'est-à-dire liée à la qualité des produits, leur degré d'innovation technologique... n'est pas ignorée : choix discutables de positionnement de certaines entreprises, niveau insuffisant de la R&D, pratiques abusives des donneurs d'ordre envers les sous-traitants, difficultés des PME pour avoir accès au crédit bancaire. S'y rajoute une forte sensibilité des exportations françaises au taux de change de l'euro – qui s'est réévalué de 78 % par rapport au dollar entre janvier 2002 et avril 2008 –, due au niveau moyen de gamme des produits plus sensibles aux variations de prix.
Pourtant, le débat public se concentre sur le coût du travail alors même que les données de référence d'Eurostat posent problème. Le poids de la formation professionnelle affecte de façon différenciée suivant les pays le calcul de la masse salariale et, pour la France, la durée du travail est sous-estimée. Globalement, on constate cependant une tendance à la convergence des coûts salariaux unitaires (tenant compte de la productivité) dans la zone euro – le coût unitaire français baisse en moyenne de 0,5 % par an de 1996 à 2008 – avec une baisse dans l'industrie et une hausse dans les services. L'affirmation selon laquelle une dérive du coût du travail aurait plombé la compétitivité des entreprises françaises est donc démentie.
Mais surtout, en mettant en avant le coût du travail, "le coût du capital" est escamoté. Or, les revenus nets distribués, qui représentaient 5,6 % de la valeur ajoutée brute des sociétés non financières en 1999, se montent aujourd'hui à 9 %, niveau record depuis la seconde guerre mondiale. La part dévolue aux actionnaires a crû dans des proportions considérables ces douze dernières années. Ainsi, la complainte patronale faisant de la baisse du taux de marge la raison profonde des faibles investissements et du moindre effort en matière de R&D, passe sous silence le fait que, crise ou pas crise, la part de plus en plus lourde que les entreprises distribuent aux propriétaires du capital affaiblit leur capacité à faire face à tous les aspects de la compétitivité.
Comprimer la masse salariale pour gagner des parts de marché à l'export, tel est l'impératif catégorique que l'on veut nous imposer. Mais l'essentiel des relations commerciales des pays de l'Union européenne a lieu à l'intérieur de l'Union. Les clients des uns sont les fournisseurs des autres et les déficits des uns font les excédents commerciaux des autres. Vouloir que tous les pays copient le modèle allemand et se transforment en exportateurs nets est impossible. La contraction de la demande interne dans tous les pays, produite par la réduction des coûts salariaux et les coupes dans les dépenses publiques, pèse sur le commerce extérieur de tous. Où exporter lorsque tous les pays réduisent leur demande ? La baisse de la demande interne ne peut qu'entraîner une réduction des exportations et aboutir à une récession généralisée. C'est la situation actuelle en Europe qui voit même l'Allemagne touchée aujourd'hui par la contraction économique.
La compétitivité est une voie sans issue, économiquement absurde et socialement régressive. N'oublions pas qu'un des précédents "chocs de compétitivité" est celui infligé à l'économie française par Pierre Laval en 1935. On ne sortira pas de la crise actuelle en prolongeant le modèle économique qui y a conduit. C'est un autre modèle de développement qu'il faut promouvoir : en finiravec la logique même de la compétitivité qui, basée sur la concurrence de tous contre tous, aboutit à un état de guerre économique permanent appauvrissant les populations et détruisant les équilibres écologiques. Ce nouveau modèle de développement doit être fondé sur les principes de la coopération, de la rupture avec un consumérisme destructeur, de la réponse aux besoins sociaux, de la réduction des inégalités et de l'ouverture d'une transition écologique.
Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Pierre Khalfa, Jacques Rigaudiat, pour la Fondation Copernic
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