Les actes de guerre illégaux perpétrés par la France au Moyen-Orient, et leurs conséquences, sont largement passés sous silence
Le choc subi en France suite à l’assassinat, au couteau, d’un prêtre âgé par deux terroristes islamistes est compréhensible. Le religieux de 85 ans, le Père Jacques Hamel, a été forcé de s’agenouiller devant la petite congrégation présente lors d’une messe dans une église paroissiale en Normandie, quand il a été égorgé. Les tueurs se sont ensuite filmés en se livrant à un rituel arabe macabre sur l’autel de l’église.
Exprimant l’horreur de la nation, le Père Philippe Maheut, vicaire général pour le district de Rouen, dans le nord de la France où l’assassinat a eu lieu au début de cette semaine, aurait déclaré : « Nous nous demandons comment nous avons pu en arriver à ce point. »
Le choc de l’
assassinat barbare est aggravé par le fait qu’il intervient moins de deux semaines après qu’un homme d’origine tunisienne a
écrasé, au volant d’un camion de 19 tonnes, une foule de piétons regardant le feu d’artifice du 14 juillet dans la ville balnéaire de Nice, sur la Riviera. Les autorités françaises affirment que l’attaque − dans laquelle 84 personnes ont été tuées − a également été motivée par le terrorisme islamiste.
Depuis janvier 2015, la France a subi plus de dix attaques terroristes qui ont coûté la vie à plus de 250 personnes. Le pays est en état d’urgence depuis neuf mois et continuera de l’être au moins jusqu’à la fin de cette année. Peut-être même au-delà. Pourtant, il semble n’y avoir aucun répit dans la violence.
Ce qui est encore plus irritant pour les citoyens est que, dans la dernière attaque, près de Rouen, l’un des deux assaillants, qui ont ensuite été abattus par des policiers, était connu des autorités françaises pour avoir des liens terroristes. Adel Kermiche (19 ans), un Français arabe, portait un bracelet électronique et était sous surveillance dans le cadre d’une condamnation par un tribunal français pour ses tentatives d’aller en Syrie, à deux reprises au cours de l’année 2015, afin de rejoindre les milices islamistes qui se battent là-bas.
Ces divulgations ajoutent au mécontentement populaire croissant contre le gouvernement du président François Hollande. Il suit des
réclamations faites par la police française locale de Nice qui n’aurait pas reçu le soutien adéquat de la part de la sécurité nationale au moment du massacre.
Le gouvernement socialiste de Hollande est assailli par la droite politique qui l’accuse d’être « trop mou » sur les questions de sécurité.
Nicolas Sarkozy, le leader des Républicains,
appelle à une réponse «
sans merci » à la suite du meurtre du prêtre cette semaine.
Sarkozy, qui devrait tenter une deuxième candidature à la présidence lors des élections de l’an prochain, semble essayer de marginaliser l’aile droite, anti-immigrés, du Front national de Marine Le Pen.
Parmi les mesures d’urgence exigées par Sarkozy il y a la détention sans jugement pour toute personne soupçonnée de liens avec les terroristes islamistes, plus de pouvoirs de surveillance pour la police, et la déportation de citoyens français dans leur pays d’origine s’ils sont reconnus coupables d’infractions terroristes. C’est une pente glissante vers l’internement massif de populations ethnico-religieuses entières, semblable à un état de loi martiale.
Avec le gouvernement de Hollande sous la pression croissante à la fois des Républicains et du Front national, en vue des élections de l’an prochain, et compte tenu de ses performances lamentables à ce jour sur les questions de sécurité, il semble inévitable que la France intensifie ses pouvoirs d’urgence déjà draconiens.
On doit s’attendre aussi à voir s’accroître l’activité des opérations militaires françaises outre-mer. Tant Hollande que son Premier ministre Manuel Valls ont déclaré la guerre à État islamique (ISIS ou Daesh) et ont promis que « la guerre sera longue ».
Quelques jours seulement après les atrocités du 14 juillet à Nice, les avions français ont réalisé plusieurs frappes aériennes près de la forteresse d’ISIS à Manbij dans le nord de la Syrie. Cependant, des sources gouvernementales syriennes ont
affirmé que les frappes ont tué plus de cent civils. Damas a envoyé une lettre au Conseil de sécurité des Nations unies condamnant la violation du droit humanitaire par les Français, ainsi que la souveraineté du pays dans l’exécution des raids aériens.
Nous avons donc une spirale mortelle de la terreur. Dans les circonstances qui prévalent, cette spirale va forer de plus en plus profondément dans une indifférence insupportable.
Revenons à la question posée par le vicaire général de Rouen suite à l’assassinat du prêtre : « comment en sommes-nous arrivés à ce point ? ».
Il ne faut pas sous-estimer le fait qu’une grande partie de la violence soi-disant djihadiste qui a éclaté à travers l’Europe, de la France à la Belgique et à l’Allemagne, est une forme de retour de flamme des guerres illégales que les États européens ont menées en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ces guerres ont été conduites ouvertement avec les États-Unis, sous les auspices de l’OTAN, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Somalie et au Mali. La légalité de ces interventions est très discutable, sinon littéralement criminelle pour le dire crûment.
C’est sous la présidence française de Nicolas Sarkozy, en mars 2011, que l’OTAN a bombardé la Libye, la transformant en un État failli, renversant le gouvernement de Mouammar Kadhafi, et déchaînant le terrorisme islamiste dans les régions du Maghreb, du Sahara et du Moyen-Orient.
Sous la présidence de Hollande à partir de 2012, la France a été un commanditaire clé de la guerre secrète en Syrie au cours des cinq dernières années pour renverser le gouvernement élu du président Bachar al-Assad. Avec les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, la France est responsable de l’un des grands crimes de l’histoire moderne − la destruction aveugle de la Syrie, avec un bilan de 400 000 victimes et le déplacement de millions de réfugiés, en conséquence du soutien secret apporté par l’Occident aux milices terroristes afin de provoquer un changement de régime.
L’ambassadeur de Syrie à l’ONU, Bachar al-Jaafari, a
admonesté le Conseil de sécurité la semaine dernière avec sarcasme : «
Pourquoi les attaques en Europe sont-elles condamnées comme des actes terroristes, alors que quand elles sont effectuées en Syrie, les gouvernements occidentaux les désignent comme des actions des « rebelles modérés » ? ».
L’égorgement d’un prêtre dans une église normande par des terroristes islamistes autoproclamés est en effet choquant. Mais combien plus choquant est la décapitation de milliers de chrétiens et de musulmans par les mêmes groupes terroristes en Syrie ?
Les Patriarches chrétiens syriens ont, depuis des années, mis en garde sur l’extermination des chrétiens dans les villes et villages qui sont tombés sous le siège de l’État islamique et d’autres groupes terroristes liés à al-Qaïda. Le patriarche Ignace Ephrem II a
évoqué un seul incident horrible, parmi beaucoup d’autres, quand vingt-et-un chrétiens ont été massacrés dans une église dans la ville de Al Qaryatain. Le règne de la terreur ne prit fin qu’en avril de cette année, lorsque l’armée arabe syrienne et la force aérienne russe ont repris la ville aux djihadistes.
Les réseaux djihadistes − mercenaires venus de pas moins de cent pays − ont presque renversé l’État syrien avant que le président russe Vladimir Poutine n’ordonne une intervention militaire en octobre dernier. Le renversement de l’État était l’objectif du gouvernement français et de ses alliés. Et les mercenaires ont été dirigés, financés et militarisés par les puissances étrangères. La France, les États-Unis, la Grande-Bretagne et d’autres sont coupables d’énormes crimes de guerre. Les dirigeants politiques de ces pays doivent être poursuivis. Parce que sans responsabilité en vertu de la loi, il n’y a plus de loi. Nous sommes retournés dans la jungle.
François Hollande a
admis publiquement que des armes françaises étaient fournies aux «
rebelles » syriens depuis 2012, en violation d’un embargo de l’Union européenne sur la Syrie.
Les
rapports des médias occidentaux ont également, occasionnellement et pudiquement, reconnu que les armes étrangères ont fini dans les mains de réseaux terroristes officiellement proscrits. La notion d’une distinction entre les modérés et les extrémistes est une mascarade cynique afin d’absoudre les gouvernements occidentaux de l’accusation légitime qu’ils sont les complices des terroristes.
La vidéo de la
décapitation d’un garçon palestinien de dix ans, près de la ville d’Alep au nord de la Syrie, la semaine dernière, par des «
rebelles » de la brigade Nour al-Din al-Zenki, soutenus par les États-Unis, est la preuve de cette mascarade. Le département d’État américain a reconnu son lien avec le groupe, en disant que le meurtre horrible du garçon entraînerait une «
pause » dans la poursuite du soutien à la brigade.
Il ne semble pas y avoir d’issue en France à la spirale terroriste de la mort. Non seulement en France, mais dans l’ensemble de l’Europe.
Une série d’attaques liées au terrorisme en Allemagne − trois dans la dernière semaine − attise la peur et le ressentiment parmi les Allemands ordinaires envers les demandeurs d’asile qui ont fui la violence dans les pays arabes et musulmans.
L’atrocité commise dans l’église française près de Rouen est considérée comme un blasphème contre l’héritage chrétien de la France. Il y a des rapports alarmants selon lesquels des groupes nationalistes français d’extrême-droite chercheraient à se venger par des attaques sur les communautés arabes et musulmanes. L’ambiance de peur, de suspicion, de vengeance et de xénophobie est à son tour renforcée par l’augmentation des pouvoirs de l’État d’urgence et la rhétorique politique incendiaire.
On constate, semble-t-il, une vision apocalyptique abyssale de violence sans fin.
Naturellement, les citoyens européens semblent être déboussolés quant à la façon de briser le cycle de la violence.
La vérité c’est que la spirale de la terreur en France, et aussi dans l’Europe élargie, ne prendra fin que lorsque les États tels que la France cesseront de se conduire comme des pouvoirs voyous, saccageant le droit international et violant la souveraineté des autres pays, en apportant leur soutien à des mercenaires terroristes, pour atteindre des objectifs illicites de changement de régime.
La France est en deuil − une fois de plus. Le pays a besoin de se réveiller à la réalité de sa propre anarchie internationale. Et briser le cycle du terrorisme que ses gouvernements ont pour une grande part initié avec leurs alliés européens et américains de l’OTAN.
Parlant après l’assassinat du prêtre près de Rouen, le président Hollande a regardé les caméras de télévision et dit solennellement : « Je vous dois la vérité. Cette guerre sera longue. C’est notre démocratie qui est visée. Nous devons nous unir. »
Alors là, retenez votre souffle ! Voilà le genre de mensonge et de tromperie au sujet desquels les gouvernements occidentaux doivent être appelés à rendre des comptes. La première chose pour laquelle les gens devraient s’unir est la poursuite des criminels de guerre pour leur violation systématique du droit international qui a largement induit le phénomène de la terreur sans fin parmi nous.