Nous vous présentons ci-dessous l’excellente analyse écrite par Jelena Stevanovic en juillet 2014 *, qui n’a rien perdu de son actualité. Elle dresse un parallèle entre la propagande anti-russe et anti-Poutine qui a suivi le crash du Boeing 777 de la Malaysia Airlines, le 17 juillet dernier, et la propagande médiatique qui a précédé et suivi la destruction de la Yougoslavie. Comme vous pourrez le constater par vous-même, les Occidentaux ne font que répéter le même refrain.
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La Russie – avant même le début de l’enquête qui devait déterminer les raisons et le coupable de la mort de 298 passagers et membres d’équipage – a été déclarée responsable et son président a été diabolisé, comme aux pires moments de la guerre froide.
Presque quotidiennement, l’appareil médiatique occidental compare le Président russe Vladimir Poutine à Hitler, surtout depuis le crash de l’avion malaisien sur le territoire sous contrôle des pro-russes. Comme au plus fort de la guerre froide, les médias et les politiciens occidentaux se livrent à une véritable hystérie anti-russe devant rendre personnellement responsable Vladimir Poutine.
Le haro contre Poutine est aussi violente que s’il se trouvait à la tête des bolcheviques, il y a de ça quelques décennies, avant la chute du mur. Certains politiciens n’hésitent pas à dire que cette fois-ci, il a vraiment dépassé les bornes. Les tabloïds titrent, les uns « Poutine a tué mon fils » ; les autres « Les terroristes de Poutine ont tué deux familles britanniques ». Pendant ce temps-là, des journaux sérieux (ou prétendus tels) veulent savoir quand les USA vont enfin punir Poutine.
Il est important de souligner que concernant cette tragédie, seuls quelques éléments sont connus avec certitude ; par exemple que l’avion est tombé d’une altitude de 10.000 mètres. Qu’il se trouvait dans la partie du ciel sous contrôle de Kiev et non dans le ciel de Moscou. Que l’épave, se trouve sur le territoire de la République autoproclamée de Donetsk. Que les deux boites noires ont été confiées aux autorités malaisiennes, et que les corps des victimes ont été transportés par train jusqu’à Karkov et ensuite, par avion, jusqu’en Hollande, pour y être autopsiés.
John Kerry a affirmé que la Russie est certainement mêlée de près à cette affaire, car « les ivrognes pro-russes » ne sont pas capables d’utiliser des armes si sophistiquées. Aussi, dans les médias occidentaux est apparue une vidéo montrant ce qu’on disait être un système « Buk » en train de quitter le territoire ukrainien.
Moscou affirme qu’au moment du crash un satellite américain était au-dessus de la zone et demande aux États-Unis de publier les images prises au moment du crash. Pendant ce temps, la Maison Blanche continue d’affirmer que les indices contre Moscou s’accumulent, sans pour autant en fournir une quelconque preuve.
On exige de Vladimir Poutine qu’il fasse pression sur les séparatistes pro-russes pour qu’ils arrêtent de perturber et d’empêcher les enquêteurs de faire leur travail ; mais on ne demande pas à Kiev d’arrêter son offensive dans la zone où se trouve l’épave de l’avion de manière à faciliter la tâche des enquêteurs.
Les Occidentaux vont même jusqu’à accuser les pro-russes d’avoir traité les corps de manière « grotesque », sans préciser ce qu’ils peuvent faire de plus pour ces malheureuses victimes que de les conserver dans des wagons frigorifiques. Washington et l’Union européenne appellent Moscou à cesser toute aide aux séparatistes et, pendant ce temps-là, ils ne demandent pas à Kiev de publier un compte-rendu du vol MH-17.
Aux affirmations russes selon lesquelles le système de défense balistique ukrainien était en fonction au moment du crash et qu’un avion militaire ukrainien se trouvait à proximité de l’avion malaisien, Kiev répond en qualifiant Poutine et les séparatistes de « fascistes ». Le Premier ministre Arseni Iatseniouk déclare de son côté que Poutine est un « guerrier qui pactise avec le Diable » ; et l’ancien ambassadeur britannique à Belgrade, Charles Crawford, qualifie le comportement russe en dessous de tout ce qui est normal et honorable.
Tragique ironie du sort, c’est encore Malaysian Airlines, dont un avion a disparu sans laisser de trace, en mars dernier, lors d’un vol Kuala Lumpur-Pekin qui se trouve au cœur de cette nouvelle guerre froide. Alors que cinq mois plus tard, on ne sait toujours rien sur cette disparition, au sujet de l’accident survenu en Ukraine, l’Occident prétend ici tout savoir, manifestement obsédé par son désir de régler des comptes avec Moscou.
La palme dans cette escalade d’une nouvelle guerre froide revient à Carl Bildt, le ministre des Affaires étrangères suédois, lorsqu’il déclare qu’il fallait s’attendre à ce que la Russie nie sa responsabilité, de la même façon que les dirigeants soviétiques avaient tout réfuté à propos de l’avion sud-coréen abattu par la chasse soviétique en 1983. Par contre ce que Bildt « oublie » de dire, c’est que les Américains ont reconnu que derrière cet avion se cachait RC-135, un avion espion américain. A noter que cette même personnalité politique suédoise était déjà très active et en première ligne de la propagande anti-serbe et anti-yougoslave [dans les années 90 - NdT]. Comme quoi…
Dans « The Telegraph », le maire de Londres, Boris Johnson, fait le rapprochement avec un événement précédent, l’accident de l’avion iranien abattu par les Américains en 1988, causant la mort de 290 passagers et membres d’équipage. Il trouve terrible que Poutine, non seulement ne reconnaisse pas sa faute, mais en plus qu’il accuse Kiev. Et Johnson de rappeler qu’après cette faute de l’armée américaine touchant l’avion iranien, il y a 16 ans de cela, non seulement les Américains ne se sont pas excusés auprès de Téhéran, mais qu’en plus le capitaine du bateau de guerre d’où est parti le coup a reçu une décoration, la médaille de Gouvernement américain.
Les pressions sur la Serbie augmentent
A cause de la détérioration des relations entre Moscou et l’Occident, il fallait s’attendre à ce que des pressions soient exercées sur la Serbie. Depuis longtemps, l’Union européenne a exigé que la Serbie coordonne sa politique étrangère avec celle de Bruxelles et quelle condamne l’annexion de la Crimée par la Russie, ainsi que le soutien que celle-ci accorde aux séparatistes.
Federica Mogherini, la Ministre des Affaires étrangères italiennes, et la candidate la mieux placée à l’Union européenne pour le poste de Catherine Ashton [Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, NdT], avait pour mission, lors de sa visite à Belgrade, de demander avec insistance que la Serbie se plie aux demandes qui lui étaient faites !
Guerre de propagande et mystère du vol MH-17 Comparaison entre les médias occidentaux et russes
Affirmations des médias occidentaux | Affirmations des médias russes |
- L’avion a été abattu par un missile Buk depuis
- le territoire sous contrôle des « séparatistes
- pro-russes »
- Ces armes ont été fournies par Moscou et, après avoir été utilisées, sont retournées en Russie
- Tous les corps des victimes n’ont pas encore été trouvés ; et ce sont « les séparatistes » qui détiennent les boites noires
- « Les séparatistes pro-russes » ont exprimé
- leur joie après le crash de l’avion
| Le système balistique ukrainien était actif au moment du crash
- Un avion militaire Su-25 était tout près du Boeing juste avant le crash (aux dernières nouvelles le pilote de cet avion a même reconnu avoir abattu l’avion de ligne)
- Un satellite américain était au même moment au-dessus de la zone et pourrait ainsi permettre de découvrir ce qui est arrivé
- L’armée ukrainienne a tiré sur l’avion pensant qu’il s’agissait de l’avion de Vladimir Poutine
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Les séparatistes et les combattants pour la liberté
En Serbie, les lecteurs gardent des vifs souvenirs de la campagne médiatique antiserbe durant les années 90. Pour cette raison, j’attire ici l’attention sur le langage que les politiciens et les médias occidentaux ont utilisé lors des récents événements ukrainiens, car c’est du pareil au même que le langage qui était utilisé à l’époque contre les Serbes.
Lorsqu’ils accusent les pro-russes de Donetsk et de Lougansk d’être responsables de la tragédie qui s’est produite dans le ciel au-dessus de l’Est ukrainien, ils les qualifient de « séparatistes » et de « terroristes », qui, selon eux, ne respectent pas l’intégrité de l’Ukraine.
On notera la grande différence de langage par rapport aux bandes armées d’Albanais au Kosovo, que les occidentaux avaient surnommés « combattants pour la liberté ».
Ainsi, quand l’UE et les USA exigent que la minorité russe en Ukraine soit intégrée à l’État ukrainien, ils font le contraire de ce qu’ils ont fait avec la minorité albanaise en Serbie, puisqu’ils prônaient alors le séparatisme.
Ce double standard [notion qui permet d'expliquer les différences d'appréciation des conduites en fonction de l'appartenance de leur auteur à une catégorie, NdT] est mis par écrit par le britannique Timothy Garton Ash, professeur en études européennes à l’Université d’Oxford. Il critique Poutine de se sentir responsable pour la minorité russe hors de la Russie et de vouloir protéger leurs droits.
Il faut se souvenir de « l’ingérence humanitaire » de Bernard Kouchner, qui avait été suivie en 1999 par l’intervention de l’Otan et justifiée par les Occidentaux comme le devoir de protéger les Albanais au Kosovo.
Les citoyens serbes peuvent ainsi faire le parallèle entre les événements d’aujourd’hui et leur histoire récente.
Rappelons-nous du diplomate américain William Voker, qui affirma avec certitude que les victimes de Racak [massacre de 45 albanais du Kosovo, le 15 janvier 1999, NdT] avaient toutes été tuées d’une balle dans la nuque et à bout portant. Plus tard, l’équipe finlandaise des médecins légistes, dont Helena Ranta faisait partie, a déterminé qu’aucune des victimes n’avait été tuée d’une balle dans la nuque. Or « la communauté internationale » n’a même pas mentionné cette constatation. Bien au contraire, elle s’est empressée de diaboliser les Serbes en les accusant d’horribles crimes.
Et quelle similitude avec Victor Ianoukovytch, accusé l’hiver dernier par l’Union européenne d’avoir ordonné les tirs des snipers contre des manifestants sur la place Maïdan. Après que les preuves accablantes sont apparues, ainsi que l’enregistrement de la conversation entre Catherine Ashton et Urmas Paet, le ministre des Affaires étrangères de l’Estonie, laissant entendre que les snipers ayant tiré sur les manifestations étaient sous les ordres des « pro-européens ». Catherine Ashton a promis de former une commission d’enquête, mais, à ce jour, nul ne sait si cette commission a été formée et ce qu’elle a conclu !
Jelena Stevanovic* Politika –
Лов на Путина – Belgrade, le 23 juillet 2014
Traduit par Filo, avril 2015 [revu par Chantal]
Source : Filo